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Le Protecteur du Temps: Après Cilmeri, #10
Le Protecteur du Temps: Après Cilmeri, #10
Le Protecteur du Temps: Après Cilmeri, #10
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Le Protecteur du Temps: Après Cilmeri, #10

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About this ebook

L'aventure du voyage dans le temps commencée avec Une Fille du Temps se poursuit dans le Protecteur du Temps...

Homme moderne et roi médiéval, David s'est engagé à transformer l'Angleterre du Moyen-Âge en sa propre conception d'Avalon. Mais son idéal est loin de rencontrer un soutien universel. En décidant d'accueillir les Juifs et les hérétiques en Angleterre, David a gravement offensé le pape. Il est sommé de venir s'expliquer à Canterbury.

Lorsqu'il comprend que les accusations portées contre lui ont peu de rapport avec la religion mais révèlent essentiellement la soif de pouvoir et la cupidité de certains membres de l'Eglise, David se retrouve en terrain connu, au centre d'une conspiration qui s'étend de l'Irlande à l'Italie.

Menacé d'excommunication, confronté à une populace imprévisible et à la possible rébellion des autres voyageurs du temps, il devra décider ce que vaut son trône et ce qu'il est prêt à sacrifier pour le garder.

LanguageEnglish
Release dateApr 25, 2021
ISBN9798201854546
Le Protecteur du Temps: Après Cilmeri, #10
Author

Sarah Woodbury

With over a million books sold to date, Sarah Woodbury is the author of more than forty novels, all set in medieval Wales. Although an anthropologist by training, and then a full-time homeschooling mom for twenty years, she began writing fiction when the stories in her head overflowed and demanded that she let them out. While her ancestry is Welsh, she only visited Wales for the first time at university. She has been in love with the country, language, and people ever since. She even convinced her husband to give all four of their children Welsh names. Sarah is a member of the Historical Novelists Fiction Cooperative (HFAC), the Historical Novel Society (HNS), and Novelists, Inc. (NINC). She makes her home in Oregon. Please follow her online at www.sarahwoodbury.com or https://www.facebook.com/sarahwoodburybooks

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    Le Protecteur du Temps - Sarah Woodbury

    Premier Chapitre

    Septembre 1292

    Château de Canterbury

    ––––––––

    David

    ––––––––

    Une grande agitation régnait dans la cour du château de Canterbury lorsque je sortis de la grande salle aux côtés de Carew. Ma garde se rassemblait, prête à m’accompagner au palais de l’archevêché pour ma rencontre avec l’émissaire du pape. J’étais déjà en retard.

    Certes, le roi d’Angleterre pouvait se déplacer suivant son bon plaisir et le légat du pape ne pouvait guère se plaindre si je laissais passer l’heure de notre entretien, mais je préférais ne pas entamer notre rencontre du mauvais pied. Je ne voulais pas voir le légat interpréter faussement mon retard en considérant que je le traitais volontairement avec dédain, ce qui serait malheureusement probablement le cas. Je n’avais aucune intention de lui expliquer la cause de mon retard.

    A la recherche de Callum, je mis un pied à l’étrier et me hissai sur mon cheval, debout afin de voir au-dessus de toutes les têtes. Je ne le trouvai pas. Carew et lui étaient supposés m’accompagner. Je m’apprêtai à remettre pied à terre lorsque je vis Peter Cobb, récemment arrivé d’Avalon, mener son cheval sous la voûte de l’entrée. Il s’arrêta pour échanger quelques mots avec le garde avant de continuer son chemin. Je vis le garde pointer le doigt vers l’escalier qui menait à la porte du château. Peter regarda dans cette direction, les sourcils froncés, et j’agitai la main pour attirer son attention. Son visage s’éclaira et il se hâta de me rejoindre.

    « Que se passe-t-il ? » demandai-je, tout en me remettant en selle.

    « Callum m’a demandé de vous faire notre rapport, » dit Peter, utilisant une version d’anglais médiéval compréhensible par Carew. « Nous avons retrouvé Noah et Mike. »

    « Où ? » Carew se tenait à proximité, prêt à monter à son tour.

    « Dans une ruelle près d’une taverne, » dit Peter.

    Je dévisageai Peter avec méfiance, certain que les nouvelles étaient moins bonnes qu’il n’y paraissait. Lee, Mike et Noah, mes trois voyageurs temporels les plus difficiles, arrivés avec le bus de Cardiff, manquaient à l’appel depuis le début de la matinée. Au début, ça ne m’avait pas paru important. J’avais simplement supposé qu’ils étaient en train de boire et de ‘courir la gueuse’ comme ils disaient, ce à quoi ils avaient consacré l’essentiel de leur temps depuis leur arrivée au Moyen-Âge dix mois plus tôt, mais c’était avant que mon ancien capitaine, Bevyn, n’arrive à Canterbury depuis le fond du Pays de Galles, porteur de mauvaises nouvelles.

    Ces trois hommes n’étaient pas seulement mécontents. C’étaient des traîtres. Et mon retard était dû à la nécessité de gérer les conséquences de leur trahison.

    Peter soupira. « Ils sont morts tous les deux. Noah a été poignardé et Mike a eu la gorge tranchée. »

    « Oh, wouah. » L’exclamation m’échappa avant que je puisse émettre quelque chose de plus approprié.

    « Ce qui veut dire qu’il s’agit d’un meurtre, » dit Carew. « Etes-vous seulement revenu pour nous dire ça ou bien Callum veut-il que le roi le rejoigne ? »

    « Je vous en prie, Sire. » Peter inspira profondément. « Lee a laissé un message et Callum pense que vous devriez le voir. »

    « Alors, montrez-moi le chemin. »

    Peter se mit en selle et reprit la direction de l’entrée.

    Justin, le capitaine de ma garde, s’entretenait avec d’autres soldats. En me voyant suivre Peter vers la porte, il réunit rapidement une brigade de chevaliers et d’hommes d’armes pour m’accompagner. Je n’aurais pas quitté le château en la seule compagnie de Peter et de Carew, j’avais appris à éviter ce genre d’aventure, mais une toute petite partie de mon esprit, malicieuse et mesquine à n’en pas douter, s’était réjouie de voir Justin tout à coup transpirer d’inquiétude. Cela valait mieux qu’imaginer le spectacle qui m’attendait dans cette ruelle.

    Je n’étais pas particulièrement sensible. Trop de fois, j’avais moi-même donné la mort. Je n’en étais pas fier, mais cela faisait partie de ma vie, depuis cette première bataille contre l’armée du roi Edward le long du Conwy lorsque j’avais quatorze ans. Mais le meurtre n’avait rien à voir avec la bataille, même si cela n’avait en réalité pas beaucoup de sens. Le meurtre était considéré comme un crime, non seulement à l’égard des victimes, mais également à l’égard des familles et de l’Etat.

    « Où allons-nous, Sire ? » demanda Justin en se portant à ma hauteur.

    « Callum a retrouvé Mike et Noah, » répondis-je. « Morts. »

    La bouche de Justin forma un ‘O’ silencieux, puis il fit signe à ses hommes de se mettre en formation serrée autour de moi. Deux gardes chevauchaient en tête, précédés de Peter qui leur montrait le chemin. La rue principale de Canterbury était assez large pour permettre à quatre cavaliers de chevaucher de front et nous finîmes par former une sorte de losange, Carew et moi au milieu.

    Les habitants de Canterbury étaient nombreux dans les rues car il était à peine midi. Ils s’écartèrent précipitamment de notre chemin avec des regards ébahis, s’inclinant sur notre passage.

    Peter ne nous mena pas bien loin—nous aurions pu le suivre à pied, mais en général je ne me déplaçais plus jamais à pied. Quelques tournants dans des rues qui devenaient progressivement plus étroites et nous parvînmes à la ruelle qui séparait une taverne d’une rangée de maisons de deux étages collées les unes contre les autres. La ruelle était bloquée par un tréteau de bois. Une petite foule se pressait contre la barrière, sur six ou sept rangs.

    Peter écarta les spectateurs à coups de coude et Justin demanda à ses hommes de me frayer un passage. Je mis pied à terre à l’extrémité de la ruelle et tendis les rênes à un gamin de huit ans qui contemplait le spectacle. J’espérais qu’il n’avait pas vu les cadavres, sûrement en vain puisqu’on était au Moyen-Âge. « Prend soin de mon cheval si tu veux bien, petit. »

    Il écarquilla les yeux en me reconnaissant, puis baissa la tête et s’inclina. « Oui, Sire. »

    Je me faufilai entre la barrière et le mur, suivi de Carew et des autres. Plusieurs soldats montaient la garde, tournés vers l’extérieur, cachant les corps qui gisaient au sol de la vue des spectateurs. Chacun d’eux me salua lorsque je passai près d’eux. La scène qu’ils dissimulaient me stoppa net. Noah et Mike, exactement comme Peter l’avait dit.

    La tunique grise de Mike était imbibée du sang qui avait jailli d’une horrible plaie à la gorge. Apparemment, Noah s’était montré plus récalcitrant. Peut-être avait-il franchi le seuil de la porte de la taverne qui donnait sur la ruelle avec plus de méfiance que Mike. Il avait pris un coup de couteau dans le ventre et si l’on se fiait à la forme de la large tache qui couvrait sa chemise, on l’avait assis contre le mur où il s’était vidé de son sang. Les deux hommes gisaient dans des mares de sang.

    Le docteur Rachel Wolff, une autre passagère du bus, était penchée sur le corps de Noah. Elle prenait des notes sur un morceau de papier, les yeux allant et venant des corps à la version médiévale d’un bloc-notes. Elle me regarda et m’adressa une grimace avant de reprendre sa tâche.

    J’étais soulagé de ne rien avoir mangé depuis le petit-déjeuner. Je n’aurais probablement pas rejeté le contenu de mon estomac, mais mon repas se serait sans nul doute transformé en pierre au creux de mon ventre.

    Callum contemplait la scène, un bras en travers de la poitrine, le menton appuyé sur le poing de l’autre. Il me salua d’un signe de tête lorsque je vins me placer à côté de lui. « Merci d’être venu. »

    « C’est normal. » Avec un effort, je pris soin de respirer sur un rythme régulier. Je ne ressentais pas précisément de vertige, mais je préférai prendre des précautions avant que cela ne se produise. « Qu’est-ce qu’on sait ? »

    Callum désigna Mike et Noah d’un geste de la main. « Comme vous pouvez voir, ils sont morts. J’ai envoyé des hommes questionner les voisins et le tavernier pour voir si quelqu’un a vu ou entendu quelque chose. Jeffries dirige les opérations, c’est lui qui a le plus d’expérience dans ce domaine. Il semblerait que Mike et Noah aient fait confiance à Lee alors qu’ils n’auraient pas dû. » Callum pointa alors du doigt le mur qui longeait la ruelle.

    Jusqu’à cet instant, je n’avais eu d’yeux que pour les corps. Je balayai l’ensemble de la scène du regard. Un poing avait été tracé au milieu du mur, avec ce que je crus (avec des nausées) être probablement du sang. J’espérais sincèrement me tromper. Sous le dessin figuraient les mots Tiocfaidh ár lá.

    « Je ne suis pas certain de comprendre ce que je vois, » dis-je.

    Callum me jeta un regard surpris. Il laissa retomber ses bras et se tourna vers moi pour me regarder en face. « Je vous prie de m’excuser, Monseigneur. J’ai oublié où vous avez été élevé. Cela signifie, notre jour viendra, en gaélique irlandais. C’est un slogan de la résistance irlandaise contre le gouvernement anglais. »

    « Lee a fait ça ? »

    « Qui d’autre aurait pu dessiner ce poing ? » dit Callum. « Ce n’est pas comme si nous pouvions imaginer que Mike et Noah ont été attaqués par des voleurs des rues. »

    « Je suppose que non. »

    Je me caressai pensivement le menton, plus déconcerté que je ne pouvais l’exprimer par le tour pris par les événements. Tandis que je m’attardais près de Callum, deux de mes hommes couvrirent les corps afin de ne pas les laisser exposés à la vue de tous. Rachel se releva en parlant à Peter et Callum leur fit signe d’approcher. « Avez-vous une idée de l’heure de la mort ? » demanda-t-il.

    « Les corps sont encore chauds, mais la rigidité commence à s’installer, » dit Rachel.

    « Donc, ils sont morts depuis plusieurs heures, » dit Callum.

    « Plus de trois heures mais moins de douze. Je n’ai pas le matériel nécessaire pour être plus précise. La ruelle sert à stocker les ordures et le tueur a tenté de cacher les corps avec de la paille, si bien qu’on ne les a pas trouvés tout de suite. Mais vous avez raison, c’est arrivé il n’y a pas très longtemps. »

    « Mike et Noah ont été vus au château peu après l’aube, » dis-je, « mais personne ne les a revus depuis. »

    Rachel jeta un bref coup d’œil vers le ciel. « Il est maintenant midi ? Donc le meurtre a eu lieu au cours des six dernières heures. » Elle hocha la tête. « C’est vraisemblable. »

    Des pas se firent entendre derrière moi, puis la voix rocailleuse de Bevyn. « Sire, nous avons une charrette. Pouvons-nous emmener les corps ? »

    Je me tournai vers mon ancien capitaine sans vraiment savoir quoi lui répondre mais Callum acquiesça. Tandis que Rachel et Peter s’éloignaient avec Bevyn pour superviser la tâche, Callum et moi nous écartâmes pour laisser la charrette manœuvrer dans la ruelle étroite.

    Cassie, une autre voyageuse du temps devenue l’épouse de Callum, examinait l’inscription à quelques pas de nous. Elle vint nous rejoindre. « Pourquoi Lee aurait-il écrit ça sur le mur ? »

    Je laissai échapper de mes poumons l’air que j’avais retenu sans le vouloir. « Je suis là, non ? Le message de Lee m’est destiné. »

    Chapitre Deux

    ––––––––

    La journée avait pourtant si bien commencé. Elle avait débuté comme presque toutes mes matinées, avec un lever à l’aube après m’être réveillé près de la merveilleuse femme que j’avais épousée. De nouveau enceinte, Lili était radieuse. Le pire des nausées était passé. Malgré sa sérénité souvent inébranlable, nous partagions le même sentiment de panique à l’idée que dans quelques mois, il nous faudrait faire face aux besoins émotionnels de deux enfants. En prenant soin de ne pas troubler son sommeil, je m’étais glissé hors du lit. Dans la chambre adjacente, j’avais trouvé mon fils de trois ans parfaitement réveillé. Nous avions pris le petit déjeuner ensemble, Arthur bavardant sans interruption.

    Assis à mes pieds, il avait accepté de jouer quelques heures tandis que je signais des documents, élaborais des projets et de manière générale supervisais les nombreux services de mon gouvernement. C’était un travail laborieux, souvent ennuyeux et frustrant, mais nécessaire pour la bonne marche du pays. Ma routine était toujours la même, que je me trouve au palais de Westminster, à York ou ici, à Canterbury, à soixante milles à l’est de Londres. Il en aurait été de même si je n’avais pas essayé de tirer l’Angleterre vers un avenir pour lequel elle n’était probablement pas prête.

    J’avais ensuite des rendez-vous quotidiens qui consistaient à entendre les doléances soumises à mon jugement dans la grande salle, puis à conférer avec un groupe d’hommes plus étendu, pour l’essentiel mon cabinet, composé des fonctionnaires de l’Etat et des membres du parlement présents à la cour ce jour-là. Ma vie tournait désormais tout entière autour de questions politiques. Il n’était pas étonnant que le roi Edward, mon prédécesseur, ait consacré tant de temps à guerroyer. C’était plus facile que de maintenir la paix.

    C’est alors que j’avais été interrompu par les mauvaises nouvelles. Bevyn était entré en trombe dans la vaste pièce que j’utilisais comme bureau, mon beau-frère Ieuan sur les talons, pour m’annoncer que non seulement Lee, Mike et Noah avaient quitté le château avec toutes leurs affaires, mais également que Lee avait passé les dix derniers mois à comploter contre moi et contre mon père, le roi du Pays de Galles.

    A ce moment-là, nous ne savions pas que les corps sans vie de Mike et Noah gisaient dans la ruelle et nous n’avions pas encore fait la connexion avec la question irlandaise, mais ce que Bevyn avait découvert était suffisamment impressionnant : Lee s’était servi des sommes d’argent qui lui étaient allouées par mon père pour charmer quand c’était possible et acheter quand le charme ne suffisait pas tous les mécontents susceptibles de s’allier à lui pour préparer une éventuelle rébellion contre mon père. La liste des personnes impliquées allait de quelques grands seigneurs du royaume gallois à un certain nombre de soldats et jusqu’à quelques humbles servantes.

    « Je considérais presque Lee comme un ami, » dis-je, à la fois perplexe et consterné d’apprendre que j’avais en fait nourri un serpent au sein de ma cour.

    Le visage de Bevyn était resté parfaitement neutre. « Je sais. »

    Les années passées auprès de Bevyn m’avaient appris à écouter ce qu’il disait, même lorsque ses paroles ne me plaisaient pas. Notre relation avait connu des moments difficiles à la suite des événements entourant mon couronnement, mais ma confiance totale en sa loyauté et l’importance pour moi de la sagesse dont il me faisait bénéficier m’avaient incité à mettre de côté mon désaccord occasionnel avec les méthodes qu’il employait.

    Le plus souvent, lorsque nous étions ensemble, nous retrouvions naturellement notre relation de maître et d’élève. Je ne lui contestais pas ce rôle. Il avait été mon premier mentor au Pays de Galles. Je savais qu’il aurait donné sa vie pour moi, tout comme Carew, Callum et Ieuan. Et j’aurais donné ma vie pour eux. Quelquefois, lorsque la couronne me pesait un peu trop, j’avais l’impression que c’était déjà ce que j’avais fait.

    « Il devait être prêt à partir d’un moment à l’autre. » Les yeux bleus de Ieuan brillaient d’irritation et ses cheveux noirs étaient ébouriffés comme s’il y avait passé les mains à plusieurs reprises. Ces temps-ci, il portait en général ses longs cheveux attachés par un lacet de cuir à la base de la nuque. Lili, sa sœur, trouvait que cela lui seyait particulièrement bien.

    Je ne portais aucun jugement sur le style capillaire adopté par les hommes de mon entourage. Pour ma part, je préférais mes cheveux châtain clair coupés court, ce qui était plus confortable pour porter un casque. Ou une couronne. Lili prétendait que c’était parce que j’étais en fait trop paresseux pour avoir envie de m’en préoccuper.

    Bevyn fit la grimace. « Je ne serais pas surpris d’apprendre qu’il avait un contact, au Pays de Galles ou à Londres, qui l’a prévenu de mon arrivée. Il est possible qu’il se soit préparé pour le jour où j’apprendrais la vérité sur ses agissements ces derniers mois et déciderais d’intervenir. » Bevyn était un héros aux yeux des soldats gallois et les soldats anglais en parlaient pratiquement comme du croque-mitaine. Maintenant gouverneur du château de Llanfaes sur Anglesey, il avait été mon premier capitaine. Il était également l’un des leaders, sinon le leader, de l’Ordre secret du Pendragon, dont le but était de protéger ma personne et mes intérêts.

    Je fixai résolument Bevyn du regard, résistant à l’envie de lever les yeux vers les sculptures et les décors qui ornaient le plafond au-dessus de ma tête et luttant pour ne pas laisser exploser contre Bevyn, qui n’était que le messager, la frustration et la rage que je sentais monter en moi.

    « Si je peux. » Callum me regarda avec méfiance, comme s’il savait ce qui risquait de sortir de ma bouche et n’était pas certain que je puisse me retenir, « ce sont peut-être en fait de bonnes nouvelles. Il est possible qu’on les ait obligés à prendre la fuite avant qu’ils ne soient prêts. »

    « J’espère que vous avez raison à ce sujet, mais peut-être devriez vos revoir la véritable signification du mot bonnes. »

    Bevyn frappa la paume d’une de ses mains du poing ganté de l’autre. « J’ai failli à mes devoirs envers vous, Sire. »

    « Non, Bevyn. C’est moi qui aurais dû me montrer plus malin. »

    Jusqu’au mois de mai, Lee avait fait partie du petit groupe de perpétuels mécontents qui avait tant exaspéré ma mère qu’elle m’avait demandé d’intervenir. Mike, tout spécialement, n’avait fait que causer des problèmes depuis le premier instant de son arrivée au Moyen-Âge. Pendant la plus grande partie de l’année écoulée, les trois hommes avaient vécu au château de Caerphilly au Pays de Galles avec un certain nombre d’autres passagers du bus unis dans une grogne permanente.

    Je ne pouvais pas réellement les blâmer. Sans y être pour quoi que ce soit, ils s’étaient retrouvés au Moyen-Âge, simplement parce qu’ils s’étaient trouvés dans le même bus que ma mère et ma sœur Anna au moment où la vie de celles-ci était en danger. Ils n’y étaient pour rien.

    Mais ils étaient pour quelque chose dans leur réaction face à l’adversité. Leur présence dans ce bus leur avait peut-être sauvé la vie, car l’explosion de l’hôtel de ville et du palais de justice de Cardiff avait sûrement fait des victimes, à l’intérieur des bâtiments comme sur la route. Pourtant, ces râleurs impénitents ne voyaient pas les choses ainsi. Et ils ne ressentaient aucune reconnaissance pour l’aide qu’ils avaient reçue à leur arrivée. Ils n’éprouvaient que de la rancœur à l’idée de devoir refaire leur vie et refusaient de faire le moindre effort pour tirer le meilleur parti de la situation.

    Pendant le temps qu’ils avaient passé sous l’œil vigilant de ma mère, Lee était resté une énigme. Au fil des jours, Mike était devenu de plus en plus agressif. C’était un colosse, plus grand que moi, plus lourd d’au moins quarante livres, ce qui le rendait dangereux lorsqu’il était ivre. Complice des abus de Mike, Noah était devenu au cours de ces six mois le bras droit du grand américain, capable de boire avec lui jusqu’à ce que Mike s’écroule, alors qu’il faisait probablement la moitié de sa taille et de son poids. Noah avait un visage étroit et un menton pointu, et le regard du loup qui étudie la possibilité de vous avaler pour le dîner, ou du rat qui inspecte un morceau de fromage particulièrement douteux.

    Leurs débauches avaient atteint le point auquel ma mère m’avait demandé soit de les jeter dans une oubliette, comme mon père le suggérait, soit d’essayer d’en faire quelque chose. Au mois de mai, j’avais choisi cette deuxième option, dans l’espoir que découvrir d’autres aspects de ce monde nouveau pour eux apaiserait leur grogne. A dire vrai, je me sentais coupable de les garder au Moyen-Âge, sachant que je pouvais les ramener dans le monde moderne si j’acceptais de risquer notre vie à tous pour effectuer encore une fois la transition.

    Mais c’était un risque que je refusais de prendre. Ce serait peut-être justement la fois de trop. Et je n’allais certainement pas faire courir ce risque à ma mère ou à ma sœur. Ce qui rendait cette décision encore plus difficile, c’était qu’ils le savaient tous. Dès le premier instant, nous avions expliqué franchement qui nous étions et de quoi nous étions capables—et nous devions tous, Mike, Noah et Lee inclus, assumer ce choix.

    C’est pourquoi, toujours sur l’insistance de ma mère, j’avais également fait venir à la cour Lee, le seul autre passager masculin et célibataire du bus résidant à Caerphilly. Mais dès le premier jour de l’arrivée du trio à Londres, la conduite de Mike et de Noah avait atteint les bas-fonds. Abrutis d’alcool, tous deux étaient montés sur le chemin de ronde et s’étaient mis à pisser sur la tête du capitaine de la garnison. Nous avions dû les enfermer deux jours au cachot à seule fin de les laisser dessaouler.

    Au troisième jour de leur incarcération, alors que je ne montrais aucune envie de les libérer, Lee était venu plaider leur cause. Jusque-là, Mike ne m’avait répondu que par bravades ou monosyllabes. D’un tempérament moins volatile, Noah s’était au mieux montré maussade et peu communicatif. Mais ce jour-là, Lee avait fait preuve de politesse, d’intelligence et d’un intéressant sens de l’humour. Cela n’arrivait pas souvent, mais lorsqu’il souriait, tout son visage s‘éclairait. Même si, grand et mince mais musclé, Lee ne lui ressemblait physiquement en rien, il me faisait penser par son attitude à Mark Jones, l’ami et confident de Callum.

    Lee m’avait juré qu’à compter de ce jour Mike et Noah allaient s’amender et m’avait suggéré, si ce n’était pas le cas, de les enrôler de force dans la marine que je venais de créer. J’avais accepté de leur donner une dernière chance et j’en avais été récompensé, car leur comportement avait effectivement changé. Du moins, c’est ce qu’il m’avait semblé. Je ne pouvais m’empêcher de penser que Mike, Noah et Lee, comme les Trois Stooges, m’avaient pris pour un imbécile. Sauf que ces trois-là étaient loin d’être des comiques.

    Loin d’avoir sauvé Mike et Noah des conséquences de ma colère (et de celle du capitaine de la garnison) par pure bonté d’âme, Lee avait pris la tête de leur petite bande, et ils s’étaient contentés d’amender leur conduite superficiellement.

    Il faut reconnaître que je n’avais pas été entièrement convaincu de la sincérité de leur nouvelle attitude. Je les avais emmenés avec moi à Canterbury parce que j’avais nettement l’impression que quelque chose n’allait pas. Mike était fondamentalement une brute et Noah un être sournois, et ils m’inquiétaient. L’idée de les laisser à Londres sous des yeux moins vigilants me mettait mal à l’aise. Malheureusement, mon intuition ne m’avait rien révélé de spécifique et je n’avais pas compris que c’était de Lee que je devais me méfier le plus et non des deux autres.

    J’aurais sans doute plutôt dû suivre la suggestion de mon père et les enfermer à la Tour de Londres. Mais si j’avais souvent regretté la présence de Mike et de Noah dans ce bus, je n’avais jamais, absolument jamais, souhaité leur mort.

    Chapitre Trois

    ––––––––

    « Que veut dire ce message ? » dit Cassie. « Libérez l’Irlande ? »

    Je haussai les épaules. « C’est ce que je crois comprendre. »

    L’Irlande était un problème permanent. Certaines régions avaient été conquises par des barons normands cent ans plus tôt et se trouvaient sous la souveraineté du roi d’Angleterre qui portait le titre de Seigneur d’Irlande. J’avais à regret hérité de cet honneur quatre ans auparavant lorsque j’étais devenu roi d’Angleterre. Dès cet instant, ma seule intention avait été de laisser le gouvernement de l’Irlande aux Irlandais. Il me fallait seulement trouver le moyen de tirer ma révérence avec grâce.

    « Le pire, c’est que ma sympathie va entièrement aux Irlandais, » dis-je. « C’est juste que je n’ai pas trouvé comment laisser ma place. »

    « Ce serait plus facile si vous ne craigniez pas de voir vos barons se soulever contre vous, » remarqua Cassie.

    « Et même si j’acceptais de prendre ce risque–et tout à fait franchement, je suis prêt à le faire–il me faut d’abord mettre en œuvre certaines réformes, ce que je ne peux faire qu’en ma qualité de roi. »

    « Catch-22, » dit Cassie. Une situation inextricable.

    « Lee pourrait considérer cela comme une pauvre excuse à mon inaction, » dis-je. « Après mon couronnement, j’ai repoussé mes projets concernant les droits des femmes parce que la discrimination est trop profondément enracinée culturellement et la transformation trop difficile. Il me semblait plus aisé de ne pas m’y attaquer. C’est la même chose. »

    « Comme toujours, vous êtes trop dur envers vous-même, » dit Cassie. « Vous avez déjà tant de questions à résoudre. »

    « C’est possible, mais quand cela cessera-t-il ? »

    Il n’y avait bien-sûr qu’une seule réponse à cette question. Jamais.

    Cassie étudiait le mur en fronçant les sourcils. « Je ne

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