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Bénarès Au Crépuscule Du Gange
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Bénarès Au Crépuscule Du Gange

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« Beaucoup d’ouvrage ont été écrit sur la ville la plus vieille au monde. Beaucoup trop peu-être, mais si je consens à écrire ce livre comme m’avait demandé tant de fois le grand homme qu’il fut Vîr Bhadra Mishra, d’une plume d’ « alien » et d’un regard d’« »outsider », c’est au prix de laisser s’échapper de moi cette lumière, qui accueille chacune de mes arrivées dans la ville sainte, à travers les mots dont on ne soupçonne jamais suffisamment le potentiel... »

C’est ainsi que l’auteure - diplômée de l’EHESS (École des Hautes Études en Sciences Sociales) de Paris (France), avec un « Advanced Hindi Diploma de la BHU (Banaras Hindu University) et le « Sanskrit Prâmana Patriya » de la SSU (Sampurnanand Sanskrit University) de Varanasi (Inde) et membre d’un cercle de Spécialistes en Ramayana (grande épopée et un des textes fondamentaux de la mythologie hindoue) - commence son ouvrage sur la « miniature indienne » blottie au pied du Gange où chaque jour des milliers de pèlerins et simples croyants viennent de partout pour se purifier dans les eaux sacrées d’un fleuve « immensément mais mal aimé ».

Cet ouvrage, qui émane d’une longue expérience de l’auteure sur le sol indien, est composé de trois parties (plus des photos prises par l’auteure elle-même). La première partie donne quelques indications sur la ville sainte de Bénarès ; la seconde s’adresse au fleuve sacré, le Gange, et ses problématiques ; tandis que la troisième laisse libre cours aux ghats. La description des ghats tout en gardant une note plutôt intimiste dévoile le caractère de chaque ghat sur lequel elle s’arrête dans le but de souligner l’importance vitale du fleuve dans le quotidien des habitants de Bénarès.

Il a l’ambition d’une « amoureuse » de la ville sainte et la vocation d’un plaidoyer pour le fleuve.

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‘A lot of work has been written about the oldest city in the world, too much perhaps, but if I consent to write this book—as had asked me many times the great man Veer Bhadra Mishra, with an “alien” pen and a look of “outsider”—it is at the cost of letting it escape from me the light that welcomes each of my arrivals in the Holy City through words whose potential is never sufficiently suspected . . .’

This is how the author—who graduated from the EHESS (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales) in Paris, with an advanced diploma in Hindi from the BHU (Banaras Hindu University) and the ‘Sanskrit Prâmana Patriya’ from the SSU (Sampurnanand Sanskrit University) in Varanasi (India) and who is a member of a circle of specialists in Ramayana (great epic and one of the fundamental texts of Hindu mythology)—begins her work on the Indian miniature nestled at the foot of the Ganges where every day thousands of pilgrims and simple believers come from everywhere to purify themselves in the sacred waters of an immense but unloved river.

This book, which emanates from the author’s long experience on Indian soil, is composed of three parts (plus the photographs taken by the author herself). The first part gives some indications on the Holy City of Banaras. The second addresses the sacred river, the Ganges, and its problem, while the third gives free rein to the ghats. The description of the ghats, while keeping a rather intimate note, reveals the character of each ghat on which it stops with the intention to emphasize the vital importance of the river in the daily life of the inhabitants of Banaras.

It has the ambition of a ‘lover’ of the sacred city and the vocation of a plea for the river.
LanguageEnglish
PublisherXlibris UK
Release dateSep 29, 2018
ISBN9781543492330
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    Bénarès Au Crépuscule Du Gange - Svetlana Radlovic Dinges

    Copyright © 2018 by Svetlana Radlovic Dinges. 782445

    All rights reserved. No part of this book may be reproduced or transmitted in any form or by any means, electronic or mechanical, including photocopying, recording, or by any information storage and retrieval system, without permission in writing from the copyright owner.

    Rev. date: 02/28/2019

    Xlibris

    0800-056-3182

    www.xlibrispublishing.co.uk

    Contents

    Introduction

    Bénarès

    Les trois noms de la Ville Sainte

    Le Gange

    Sur le ghat du sacrifice des chevaux

    Mâ Gangâ – Mère Gange

    Les ghats

    Sur les rives du Gange Assî ghât

    Autour de Tulsî ghât

    Ananda Mayî ghât

    Svastika sur le ghat des jaina

    Chet Singh ghât et les akharâ autour de Shivâlâ ghât

    Harishchandra ghât un des deux sites de crémation

    Vijayanagâra, Kedâra et Mânsarovar quand les ghats évoquent les splendeurs de l’Inde

    Entre Nârada ghât et Pandey ghât

    Les ghats avoisinant Dashâshvamedha ghât

    Manikarnikâ ghât le plus sacré des ghats

    Panch Gangâ ghât suivi de Gâya ghât et Trilochana ghât

    Râjaghât et son robuste pont du temps des Britanniques

    Adi Keshava le dernier ou le premier ghat

    En guise de conclusion

    English version

    Svetlana Radlovic Dinges

    Bénarès

    au crépuscule du Gange

    A Mahantji Vîr Bhadra Mishra,

    Ancien Professeur et Éminent Environnementaliste,

    pour son amour du Gange

    Et aux habitants de Bénarès

    pour leur amour inconditionnel de la Cité de Shiva,

    Introduction

    Beaucoup d’ouvrages ont été écrits sur la ville la plus vieille du monde. Beaucoup trop peut-être, mais si je consens à écrire ce livre comme il m’avait demandé tant de fois, le grand homme qu’il fut, Vîr (ou Veer) Bhadra Mishra (voir la photo n° 1), d’une plume d’ « alien » et d’un regard d’ « outsider », c’est au prix de laisser s’échapper de moi cette lumière, qui accueille chacune de mes arrivées dans la ville sainte, à travers les mots dont on ne soupçonne jamais suffisamment le potentiel…

    Cet ouvrage est ma contribution. C’est l’amour que je rends à cette ville de tous les temps pour m’avoir rencontrée et à ses habitants qui ont su m’adopter avec le temps et mes efforts constants. C’est aussi et avant tout un hommage que je rends à Mahant Vîr Bhadra Mishra, grand prêtre et homme scientifique, fondateur de la Sankat Mochan Foundation qui a tant fait pour dépolluer son cher fleuve sacré, la Gangâ. Cinq ans viennent de s’écouler depuis sa disparition regrettable, mais les paroles du grand homme raisonnent toujours en moi plus fort et je me dis qu’il me faut lui dédier cet ouvrage aussi. C’est mon deuxième ouvrage sur cette « miniature indienne » blottie au pied du Gange, ce fleuve sacré qui lui fut si cher… et qui m’est très cher aussi…

    Dans son Dictionnaire amoureux des Dieux et des Déesses, Catherine Clément, que j’ai eu l’occasion de rencontrer au Salon de « L’Inde des livres » à Paris, consacre quelques mots à Mahantji, qui fut son invité en 2008 dans le cadre de « Grands Témoins », cycles thématiques organisés par l’Université populaire du Musée du Quai Branly, je la cite. Quai Branly, je la cite.

    Mon ami Mahantji est mort en 2013. Je ne vous parlerai pas de sa voix de chanteur ni des festivals musicaux qu’il organisait au bord du fleuve. Mais je vous parlerai de sa grandeur, de sa bonté. Retenez bien son nom : Veer Bhadra Mishra. Si quelqu’un aimait la déesse Ganga, c’est lui.

    Le réel ne s’enregistre pas, il se raconte… mais cet ouvrage n’est pas une autobiographie de terrain, non plus un récit de témoignages ni une analyse de textes. Il a l’ambition d’une « amoureuse » de la ville sainte. Et la vocation d’un plaidoyer pour le fleuve.

    Cet ouvrage, qui émane d’une longue expérience personnelle, est composé de trois parties (plus les photos prises par moi-même). La première partie donne quelques indications sur la ville sainte de Bénarès ; la seconde s’adresse au fleuve sacré, le Gange, et sa problématique ; tandis que la troisième laisse libre cours aux ghats. La description des ghats tout en gardant une note plutôt intimiste dévoile le caractère de chaque ghat sur lequel elle s’arrête dans le but de souligner l’importance vitale du fleuve dans le quotidien des habitants de Bénarès…

    Pour information, cet ouvrage, destiné tout d’abord au lecteur français, sera présenté au Salon de « L’Inde des Livres » organisé au mois de novembre chaque année par la Ville de Paris et la Mairie du 20ème avec l’Association « Les Comptoirs de l’Inde » sous le haut patronage de l’Ambassade de l’Inde à Paris.

    01.jpg

    1. Avec Mahantji

    Notes sur l’emploi des mots en sanskrit et hindi

    Les termes en sanskrit ou en hindi sont transcrits en italique et en gras (principalement pour les noms propres et les appellations) avec les signes diacritiques indiquant la longueur des voyelles mais ne prenant pas de « s » au pluriel. Sans italique ni en gras ils perdent les accents et se dotent du « s » quand ils sont au pluriel. Ces mêmes termes sont expliqués autant que possible dans le contexte où ils apparaissent.

    Le mot « Ramayana » apparaît dans le texte sous deux formes : lorsqu’il s’agit de l’œuvre de Valmiki le mot est en italique avec diacritiques (Râmâyana), mais pour désigner le nom de l’épopée en général (les versions de cette grande épopée étant nombreuses) son orthographe reste simple sans aucun signe diacritique. La tendance du hindi moderne consistant à laisser tomber le dernier »a » court n’est pas prise en compte dans le texte (sauf pour le « Ramayan en hindi » de Tulsidas). La même chose est à observer quand il s’agit des noms des ghats qui perdent le « a » court à la fin du mot mais le gardent dans le texte d’après le sanskrit (ex. Kedara, Dashashvamedha, Trilochana…).

    J’ajoute aussi que pour inclure les changements survenus dans la ville sainte pendant que je terminais la rédaction de cet ouvrage, le texte en a été saisi entre grandes parenthèses en plus petits caractères.

    Remerciements

    Mes remerciements vont particulièrement à mon vieil ami Jacques, venu me rendre visite à Bénarès, pour ses suggestions pratiques et salutaires de celui qui s’est laissé charmer par la ville sainte et son fleuve sacré.

    Et puis à mes fils (l’aîné y ayant séjourné quelques temps, le cadet que Mahantji a bien connu pour avoir grandi sur le fleuve sacré et devenu un « pakhâvajvala ») pour leur lectures attentives et les conseils appréciables.

    Ainsi qu’à mes amis indiens dont je ne pourrais pas citer les noms (sans en oublier un) tant la liste serait longue… mais, soulignons-le, ce livre est spécialement dédié aux habitants de la ville sainte.

    BÉNARÈS

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    Les trois noms de la Ville Sainte

    "Je quittai le petit magasin d’antiquaire et me dirigeai vers le Gange sacré pour y immerger la petite statuette, que je venais d’acheter, dans les eaux purificatrices du Gange. Étrange peut-être, mais j’y croyais, baignée dans une ambiance très particulière à cette ville plus vieille que l’humanité, dit-on ! » (La Vénus de Dandakaranya, Xlibris, 2011).

    Nous sommes bien à Bénarès - Banâras en hindi - officiellement Vârânasî, nom figurant sur les cartes géographiques et touristiques, un composé de Varanâ et Assî, deux confluents du Gange qui cernent la ville, Varanâ au nord et Assî au sud, avec au centre le Temple de Vishvanâtha, la partie la plus sacré de la ville. Bénarès est une transcription française, les Britanniques l’orthographièrent Benares, terme encore largement utilisé par les auteurs d’aujourd’hui. Un lieu saint et comme tel désigné par le nom de Kâshî, signifiant en sanskrit « brillante, lumineuse ». C’est la Cité de la lumière qu’il faut voir à l’aube au-dessus du Gange. Connue comme capitale spirituelle et culturelle de l’Inde, c’est la ville la plus vieille et comme disait Mark Twain - auteur américain cité dans tous les livres sur la ville sainte et même par le Premier Ministre Narendra Modi pendant sa campagne électorale à Bénarès - « plus vieille que l’histoire, plus vieille que la tradition, et même plus vieille que la légende, et semble deux fois plus vieille que toutes les trois mises ensemble."

    Vârânasî, Kâshî ou Banâras (Bénarès) – ces trois noms concernent la même ville ne désignant cependant pas tout à fait la même chose. Mais les trois unités lexiques ayant la même topographie ont subi à travers les siècles les mêmes influences socio-culturelles. Bénarès, situé dans la plaine gangétique, est le produit d’un héritage des trois derniers millénaires d’une civilisation ininterrompue. Pendant cette longue période la ville a subi un profond impact de la culture védique mais également des enseignements du bouddhisme ainsi que l’invasion musulmane et la colonisation britannique avant que cette dernière ne cède sa place à l’indépendance de l’Inde (en 1947). Sans révolution violente, Bénarès est une ville à la philosophie de la Bhagavad Gîtâ et du Râmâyana dont les citoyens sont de plus en plus préoccupés par le résultat final des choses, contrairement à cette même philosophie qui enseigne l’importance des moyens et non des fruits d’une action.

    C’est à la lumière de ces influences qu’il me faudrait aborder les changements qui se profilent à l’horizon d’un ciel toujours dominé par la déesse dont la descente sur terre, quelque peu forcée, hante depuis peu l’humanité. En effet, la déesse s’appelle (la) Gangâ ou le Gange si vous préférez (sans vouloir tomber dans la « théorie du genre »). Les habitants de cette ville aux trois noms commencent leur journée (de Brahmâ) comme leur vie sur le Gange. Le mariage n’est « officialisé » que lorsque le couple se rend au bord du fleuve sacré pour leur bénédiction, et ils meurent consumés par le feu purificateur toujours au bord du Gange. Trois événements importants dans la vie d’un hindou. Mais ce fleuve vital pour eux est déclaré écologiquement nuisible pour la planète. Voilà le gros dilemme : comment purifier les eaux dites sacrées - donc pures - sans nuire à l’industrie (grand pollueur) ou détourner les fidèles de leur déesse-mère ? Dans un cas comme dans l’autre, c’est le chaos annoncé. Pour les hindous ne plus pouvoir approcher leur Gangâ-ji (étant signe de respect) avec les gestes ancestraux, bien que certains esprits se lèvent contre le fleuve de plus en plus « malade », c’est les déstabiliser profondément. Pour les industriels, c’est leur enlever leurs gains tout autant qu’à des milliers de personnes qu’ils emploient. Sans mentionner les écologistes qui ne veulent pas d’interférence avec la rivière. Il faut donc chercher des solutions plus adaptées aux besoins d’un progrès qui ne peut plus ignorer les exigences écologiques.

    Mais ne l’oublions pas, il est question ici de « Shiva’s city » (la Cité de Shiva). J’ai devant moi un petit livre intitulé Benares the sacred city, publié pour la première fois en 1905 et republié en 2000 par Pilgrims Book House de Varanasi (dont la maison-mère, fondée dans les années 80 à Thamel - Katmandu - et que j’ai eue la joie de connaître lors de mon tout premier voyage au Népal, fut brûlée dans un terrible incendie en 2013) ; je recommande aux visiteurs la maison de Varanasi, elle détient de très jolis livres et se trouve non loin du Durga Temple connu sous le nom de Monkey Temple. Mais revenons au chapitre V de ce petit livre intitulé « In the City » (« Dans la ville ») qui commence ainsi (traduit par mes soins) :

    "Le caractère sacré que les hindous attribuent à Bénarès ne se limite pas à l’enceinte de la ville. L’influence de la divinité tutélaire s’étend à toute la région, façonnée à la manière du croissant de lune placé sur la tête de Shiva, contenue par le Gange entre ses petits affluents, Varuna au nord et Assi au sud et par la Panch-kosi road. Cette dernière décrit un demi-cercle approximatif de la ville, le centre étant bien le Manikarnika, le premier lieu de pèlerinage, et le rayon une distance de cinq « kos », ou environ dix miles.

    La vertu sacrificielle de la ville de Shiva est sans doute renforcée par les circonstances que le Gange à cet endroit prend une grande tournée de balayage, ainsi en traversant Bénarès il coule en direction du nord, soit vers l’Himalaya, où, il est dit, réside Shiva. L’aspect de la ville avec la rivière face au soleil levant est un autre point qui aurait pu guider le choix des premiers Aryens et pré-Aryens, adorateurs du soleil. Dans les anciennes sculptures hindoues, Surya, le dieu-soleil, est généralement associé aux dieux de la Trimurti postérieure - Brahma, Vishnu et Shiva."

    L’auteur nous dit plus loin qu’aux bons vieux jours on rejoignait la ville par le fleuve sacré. Par la route (avant que les Britanniques n’introduisent le chemin de fer) mais aussi et souvent à pied. Les plus courageux et dévoués dans le but de réaliser un vœu le faisaient (rarement aujourd’hui) à pleine longueur de leur corps en s’allongeant par terre bras tendus marquant à chaque fois un trait avec les doigts de la main pour y poser les pieds en se levant et de nouveau se prosternant complètement, ainsi tout le long du trajet. Je pourrais me vanter ici ou donner une image de moi plutôt « inquiétante » en témoignant que cette expérience je l’ai faite : j’ai parcouru la distance de trois kilomètres qui sépare la Sampurnanand Sanskrit University (j’y habitais pendant mes trois années d’études de sanskrit) et le Dashashwamedha ghat (le ghat principal) à pleine longueur de mon corps, accompagnée par la femme d’un rickshawman (voir photo n° 2) qui me rendit bien de services. Ce fut au début des années 90, quand les choses étaient encore plus authentiques, quand les Indiens ne roulaient pas encore (ou si peu) en voiture, et que les touristes se faisaient plus rares. Mais moi, je ne me suis jamais considérée comme une pardeshî (« venue d’ailleurs »). Entre nous, Mahantji, je ne vous connaissais pas encore à l’époque, j’habitais de l’autre côté de la ville, j’ai toujours eu beaucoup de mal à adhérer à cette notion d’ « Occidentale » qui d’après moi n’existe que par rapport à l’ « Orientale », elle ne me sied pas… Il faut probablement aller jusqu’à l’Orient de ma naissance pour comprendre et admettre ce sentiment pour le moins curieux, sinon ambigu. Je suis née sur les rives d’un autre grand fleuve (que Strauss s’entêtait à rendre bleu), à la frontière des deux pays qui autrefois accueillirent des tribus tziganes venues du sud de l’Inde et qui encore aujourd’hui y parlent un « broken Hindi ». Un de ces deux pays qui m’a vue naître fut longtemps grand ami de l’Inde. J’ai grandi dans l’esprit de non-alignement prôné par le pays de ma naissance et l’Inde devenue tout juste indépendante. A l’âge de 15 ans j’ai serré la main de Josip Broz surnommé Tito, petit homme fort et diablement séducteur qui à son tour saura séduire la nation indienne en serrant la main de Nehru. C’est dans cette poignée de mains de sucre et de « gur » (« sucre traditionnel indien », comme disent mes fils) que s’opéra le transfert. Dans la tête de la toute jeune fille que je fus à l’époque se greffa un sentiment très fort d’une appartenance lointaine… alors Occidentale ou Orientale ?

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    2. Sarasvati sur le chemin du Gange

    Est-ce de cela que vous vouliez parler? De cette différence qui fait d’une Occidentale une Occidentale par opposition à une Orientale ? Mais si l’Orient est une idée qui a une histoire et tradition dans la pensée et imagerie que l’Occident s’en était fait, cette attitude pourrait être partagée entre ces deux antithèses.

    Deux notions opposées, deux cultures profondément différentes, l’une qui se lève avec le soleil et l’autre qui se couche avec lui. Les couleurs n’y sont pas les mêmes, l’énergie non plus. Pourtant c‘est le même gros ballon rouge qui se joue des deux. L’évocation du ballon rouge est si propice pour m’adresser à celui que vous avez vénéré, Mahantji, tout au long de votre vie, au dieu-singe Hanumân, à son tour le plus vénéré de tous les dieux. Il n’y a pas de temple dans toute l’Inde sans une mûrti (représentation) de Hanumân libérateur d’obstacles.

    La légende raconte que le Sankat Mochan temple (dont vous étiez le grand prêtre), lieu principal du culte de Hanumân et un des plus visités de la ville sainte, fut érigé par Hanumân lui-même. Hanumân, ce vânara - peuple des singes dans la grande épopée du Râmâyana - ce dieu-singe et parfait dévot de Râma - avatâra du dieu Vishnu. Il faut remarquer ici que le « Sankat Mochan mandir » a une particularité unique : c’est le seul temple où Lord Hanuman est en face de son Lord Rama (d’ailleurs les fidèles viennent autant pour Hanuman que pour Rama). Hanumân est un singe divin, fils de Vâyu - dieu du vent. Il symbolise force physique et mentale mais aussi dévouement désintéressé, humilité. Son audace et activité sont souvent au service de son maître, Râma, pour qui il a une dévotion et un amour illimités (ils sont tous les deux des personnages centraux du Râmâyana). Une de ses représentations connues est celle où il ouvre sa poitrine pour y montrer l’image de Râma et son épouse Sîtâ gravée dans son cœur. Pour la petite anecdote, je fus amusée en voyant il n’y a pas si longtemps (je pense que ce fut avant son mariage) l’acteur mondialement connu George Clooney s’inspirant du même geste (du moins je le présume) en ouvrant sa chemise sous laquelle on découvrait un tee-shirt avec inscription « Save the Artic » - actuellement on peut voir une inscription parallèle sur Riva ghat « Save Ganges ». Il y a une certaine analogie dans ces deux images faites pour défendre deux catégories apparemment opposées, à savoir l’imaginaire et le naturel. Elles ont cependant le même effet de self-protection. Pour Hanuman, garder dans son cœur son Seigneur c’est se préserver en le protégeant. Pour Clooney, prêter son image dans un but environnemental c’est lutter pour la planète, donc pour sa propre préservation. L’un dépend de l’autre. Je ne cite pas ce cas en apparence anodin de l’acteur Clooney et son tee-shirt pour le plaisir de citer un nom connu, mais pour attirer plus particulièrement l’attention du lecteur sur le danger que court le Gange…

    La magie de la force de Hanumân et ses autres capacités fantastiques nous viennent de plusieurs sources. Selon l’une d’entre elles, Hanumân à sa naissance, en découvrant le soleil et pensant que c’était un fruit à manger, le prit dans sa bouche. L’obscurité du monde ainsi provoquée irrita Indra, le roi des dieux, qui frappa Hanumân sur le menton dans le but de lui faire cracher le soleil. Ce coup porté à Hanumân rendit furieux son père, Vâyu, le dieu de l’air et du vent, qui immobilisa l’air. Dans le chaos et la panique qui s’en suivirent, les dieux supplièrent Vâyu d’arrêter. Il accepta à condition que son fils Hanumân soit admis au rang des dieux. Son anniversaire « Hanumân Jayantî » est célébré au sein même du Sankat Mochan Hanuman Temple où un festival de musique et de danse se tient pendant cinq nuits chaque année en avril-mai depuis 1923 connu sous le nom de « Sankat Mochan

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