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La Vierge: La Cloître, #1
La Vierge: La Cloître, #1
La Vierge: La Cloître, #1
Ebook352 pages4 hours

La Vierge: La Cloître, #1

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About this ebook

J'ai intégré le Cloître pour trouver la vérité.

 

Mais j'ai découvert bien plus que cela. Ici, les ténèbres me séduisent et m'attirent jusqu'à ce que je devienne obsédée par lui.

 

Adam Monroe, le fils du Prophète, prince obscur d'un empire qui s'étend de jour en jour. Il est chargé de me sauver des loups du monde extérieur. Mais plus je reste au Cloître, plus je me rends compte que les loups sont déjà en moi et sous le contrôle du Prophète.

 

Si Adam apprend la véritable raison de ma présence ici, il hurlera pour obtenir mon sang avec le reste de la meute. En attendant, je serai Delilah, la servante docile du Prophète le jour et la Vierge d'Adam la nuit.

LanguageEnglish
Release dateFeb 17, 2022
ISBN9781643663722
La Vierge: La Cloître, #1

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    La Vierge - Celia Aaron

    1

    Le tissu d’un blanc immaculé me couvre de la tête aux pieds. Je garde les yeux baissés sur le chemin de terre tandis que j’avance dans le noir ; le faible flambeau que je tiens signale ma présence à tous les prédateurs. J’essaie de ne pas trembler. Tout ce qui occupe mes pensées, ce sont mes pas. L’un après l’autre.

    Je ne peux pas m’attarder sur le bruit des branches qui craquent, des pas qui écrasent les feuilles sèches, sur le chant faible qui monte dans l’air frais nocturne, ni même sur les femmes devant ou derrière moi. Non. Il n’y a que mes propres pas. À droite, puis à gauche. La terre glacée sous mes pieds nus. Le mouvement qui me conduit de plus en plus profondément dans les bois.

    La lumière du feu projette une pâle lueur alors que nous avançons encore, que nous nous précipitons vers notre cage, avec le désir dans notre cœur et la ferveur dans notre âme. Nous voulons être enchaînées, possédées, animées uniquement par l’esprit de notre Dieu. Et notre Dieu a consacré un être sur Terre pour représenter Sa volonté. Le Prophète Leon Monroe.

    Le chant profond résonne dans mes veines alors que je me rapproche de la lumière du feu. La lueur orange danse sur mes pieds sales jusqu’au bord de ma robe de chambre. J’ai beau être vêtue, je suis nue quand j’entre au centre du cercle. Des hommes saints m’entourent, choisis individuellement par le Prophète lui-même. Ils portent un pantalon et une chemise blanche.

    Je suis la fille devant moi jusqu’à ce que nous formions un cercle nous-mêmes, pressées entre le feu et les hommes qui nous entourent. C’est un nouveau cercle des enfers, promesse d’une agonie brûlante, peu importe dans quel sens je vais.

    Une femme tout en noir passe devant le cercle de femmes et donne à chacune un petit pichet d’eau. La tête penchée, je ne peux la regarder dans les yeux tandis qu’elle approche. Je sais malgré tout de qui il s’agit : Rachel, la première femme du Prophète. Sa boiterie est caractéristique. Je prends mon pichet et le poids de l’eau froide aide à masquer les tremblements de mes mains.

    Une voix forte fait taire le chant.

    — Nous remercions Dieu pour cette offrande.

    — Amen, clament les hommes en cœur.

    — Nous nous souvenons de Son commandement : « Soyez féconds, multipliez. » Comme signe d’obéissance à Sa volonté, nous acceptons de nous occuper de ces filles, de les protéger. Nous les acceptons dans notre cœur et les chérirons comme si elles étaient notre propre sang.

    — Amen.

    — Et tout comme notre Seigneur a ordonné que Rébecca épouse l’un des fils d’Abraham, ces filles ont été appelées pour servir les hommes pieux rassemblés ici ce soir.

    Je vois apparaître devant moi une lourde paire de bottes. Un doigt se pose sous mon menton et me force à lever la tête jusqu’à croiser des yeux sombres. Le Prophète regarde dans mon âme.

    — Te souviens-tu de l’histoire de Rébecca, ma Sœur ?

    — Oui, Prophète.

    — Je suis certain qu’une enfant de Dieu telle que toi connaît toutes les histoires de la Bible.

    Il sourit, les dents aussi blanches que celles d’un squelette.

    — Oui, Prophète.

    — « La jeune fille avait très belle apparence, elle était vierge, aucun homme ne s’était uni à elle. Elle descendit à la source, emplit sa cruche et remonta. » Qu’est-il ensuite arrivé à Rébecca ?

    — Elle est partie avec le serviteur d’Abraham.

    — C’est exact.

    Il se rapproche et plonge son regard dans le mien.

    Un frisson me traverse. Il observe ma poitrine et un petit sourire étire le coin de ses lèvres quand il voit mes tétons pointer sous le fin tissu.

    Il relâche mon menton et s’écarte, continuant son tour tout en parlant du destin de Rébecca. Je lance un regard vers l’homme qui se trouve face à moi. Cheveux blonds, yeux bleus, le visage neutre : il s’agit du fils du Prophète. Quelque chose qui ressemble à du soulagement me traverse. Être la Vierge de Noé Monroe ne serait pas si terrible. La rumeur dit qu’il est gentil, prévenant, même. Je laisse mon regard glisser sur l’homme qui se trouve à sa gauche. Des cheveux sombres et un regard plus sombre encore, un sourire en coin identique à celui de son père : Adam Monroe m’observe de façon intense. Je baisse les yeux et plains en silence la Vierge à ma droite.

    — Nous vous protégerons. Nous vous garderons loin des monstres de ce monde qui veulent poser la main sur vous, détruire cette parfaite innocence que vous possédez. Souvenez-vous de l’histoire de Dina : « Shechem, fils de Hamor le Hivvite, chef du pays, la vit, l’enleva, coucha avec elle et la viola. » Il en va de même pour tout homme qui ne fait pas partie de ce cercle. Ils vous enlèveraient, vous blesseraient, et se débarrasseraient de vous une fois votre cœur et votre corps détruits. Il n’y a que dans le Cloître que vous pourrez mener une vie paisible et sans crainte.

    Je me demande si Georgia a entendu le même discours. Probablement. Combien de temps l’ont-ils laissée vivre après ce rituel ? Cette pensée me tord l’estomac. Elle est étonnamment forte et la haine commence à s’emparer de moi et à surpasser mon rôle de femme sage. Je brise un instant ma façade et lance un regard à Adam Monroe. Est-ce lui qui lui a tranché la gorge ? Est-ce que ses grandes mains ont torturé Georgia pendant qu’elle vivait encore ?

    Il fronce les sourcils en observant la Vierge tremblante devant lui et se détourne alors subitement vers moi. Il écarquille un instant les yeux et je baisse rapidement la tête vers le sol avant de fermer les paupières. Je n’aurais pas dû faire ça. Je me réprimande mentalement pendant que Leon – non, il est le Prophète – pendant que le Prophète continue son discours sur la sécurité du Cloître. Je laisse mon rôle reprendre possession de moi. Je suis une partisane dévouée du Prophète et une fervente Vierge. Le murmure de mes pensées se fait plus fort et je réalise que le Prophète a cessé de parler.

    J’ouvre les yeux et regarde la Vierge à ma gauche. Elle lève son pichet, le regard toujours baissé. Je fais de même.

    — L’eau représente l’offrande de la Vierge pour son Protecteur. Un homme pieux, qui lui enseignera ce qu’elle a besoin de savoir pour suivre la voie de la lumière de Dieu notre Seigneur. Le Protecteur est sanctifié par Dieu, et ses décisions seront toujours prises pour le plus grand intérêt de la Vierge sous sa protection. Tout comme Dieu l’a enseigné dans la Genèse : l’homme est l’autorité et la femme sa subordonnée. Alors, qu’il en soit ainsi. Le Protecteur, guidé par Dieu, guidera sa Vierge et lui montrera la voie du véritable croyant.

    — Amen.

    Les hommes semblent de plus en plus bruyants et avides.

    — Maintenant, Vierges, offrez-vous à votre Protecteur comme le vaisseau qui portera le savoir et la lumière de notre Seigneur.

    Les bras tremblants, je tends mon pichet. Je sens des doigts effleurer les miens et suis libérée du poids de mon fardeau. Quelques instants plus tard, les pichets vides sont jetés par-dessus nos têtes et s’écrasent dans le feu derrière nous. Un rugissement primaire échappe aux hommes, des loups mis en appétit par le sang.

    — Protecteurs, guidez votre doux agneau jusqu’au Cloître, où nous les accueillerons comme il se doit.

    Une main apparaît, paume levée. Je prends une profonde inspiration et me rappelle que Noé est le mieux qui puisse m’arriver. Je glisse ma main dans la sienne et lève les yeux… sur un tout autre homme. Noé dirige une autre femme loin du feu.

    Le sourire d’Adam s’assombrit alors qu’il serre mes doigts trop fort.

    — Allons-y, petit agneau.

    2

    Adam

    Le Cloître, vaste complexe dans le style cabane en rondins, jaillissant parmi les arbres. Je tire ma Vierge près de moi, ses pieds nus font crisser les feuilles des arbres et les épines de pins. Elle ne se plaint pas. Elles ne se plaignent jamais. La petite armée de Vierges de mon père agit toujours de manière parfaite, au début. Les problèmes commenceront plus tard dans la soirée.

    Nous sortons des bois et elle accélère la cadence sur le confort de l’herbe. Les autres Protecteurs et Vierges suivent, aucune des femmes ne fait le moindre bruit alors que les hommes grognent et rient.

    Je tire ma Vierge plus près.

    — Dépêche-toi.

    Elle commence à résister à ma prise, puis semble y réfléchir et me permet de la tirer à moitié dans le Cloître. Une étincelle apparaît dans son regard avant de disparaître rapidement. Je l’ai déjà vue durant le rituel du feu, cette grande mise en scène que mon père adore organiser chaque année quand un nouveau groupe de Vierges arrive. J’ai échangé avec Noé à cause de cette petite étincelle cachée en elle, mais c’était probablement idiot de ma part. Après tout, elle a signé pour devenir une Vierge du Cloître. Il n’y a aucune volonté en elle, aucune pointe d’intelligence. Ce n’est qu’un autre agneau à l’abattoir. La pensée me fait serrer les dents alors que je la tire en direction de la salle de banquet.

    Quelques Fileuses sont agenouillées dans un coin, avec un bol d’eau chaude à leur côté.

    — Lave-toi.

    Je pousse ma Vierge vers elles et désigne ses pieds sales.

    Elle suit mes ordres comme une petite mendiante obéissante. L’une des Fileuses la nettoie avec une éponge tandis qu’elle soulève le bas de sa robe. Quand je l’ai vue la première fois qui marchait à travers les arbres, je n’ai pas pu m’empêcher de la dévisager. C’était une fée : avec ses cheveux blancs, sa peau pâle, elle semblait flotter au-dessus du chemin entre les arbres. Maintenant que je la regarde de plus près, je réalise qu’elle a des yeux gris. Son regard s’était fait dur quand elle m’avait regardé durant le rituel. J’avais cru sentir quelque chose de plus en elle… un air de défi. Mais c’est impossible. Si elle a été suffisamment idiote pour croire mon père quand il parlait « d’élues » et pour abandonner tout ce qu’elle avait pour rejoindre le Cloître, il est totalement improbable que de véritables méninges se trouvent dans son cerveau. Seulement une dévotion aveugle, une vénération idiote, une foi stupide.

    Une Fileuse lui sèche les pieds. Ma Vierge a l’air jeune, la vingtaine au maximum. Ses traits sont bien trop délicats pour être réels, ils semblent si faciles à briser. Elle est de taille moyenne, de petite stature, et ses tétons roses pointent sous sa robe, au-dessus d’une taille étroite et de hanches généreuses. La lumière passe entre ses cuisses, me laissant apercevoir la silhouette de son sexe. Ce petit aperçu n’est pas suffisant. J’en veux plus.

    — Viens, dis-je en tendant la main.

    Elle regarde vers la Fileuse, pleine d’hésitation.

    — Je t’ai dit de venir.

    Encore une fois, cet air de défi, mais elle le ravale et glisse sa petite main dans la mienne. Quelque chose s’agite dans ma poitrine, avec des ailes sèches et fragiles, des plumes pourries et des os apparents. Intéressant.

    Les autres commencent à entrer peu à peu, les Fileuses lavent les pieds des filles tandis que les hommes attendent, avides de toucher la chair fraîche de ces nouvelles proies.

    Je tire ma Vierge à travers la salle de banquet. Les Fileuses l’ont décorée pour la cérémonie, des linges blancs couvrent les tables, pendent du plafond en bois et encadrent l’estrade à l’entrée de la pièce. Le trône familier repose au bout de l’estrade et les coussins tapageurs en velours auraient plus leur place dans un salon privé sordide. Des bougies sont allumées sur des chandeliers en fer forgé noir, accrochés en hauteur. De faux éclairages antiques mélangés à leur équivalent moderne électrique. Après tout, tout n’est que spectacle.

    La voix forte de mon père retentit dans la pièce et tout le monde boit ses paroles.

    — Bienvenue, Vierges, bienvenue dans votre nouvelle maison.

    Il se dresse sans sourciller, tous les regards sont posés sur lui. Exactement comme il aime.

    — Tous vos besoins seront respectés. Il n’y a que vous, les Fileuses et les Protecteurs qui puissiez marcher dans ce lieu sacré qu’est le Cloître. Chacune d’entre vous recevra une chambre et ses devoirs à remplir pour servir notre Dieu. Mais nous en discuterons plus tard. Pour le moment, fêtons votre arrivée !

    Il redescend l’allée centrale et toutes les Vierges le suivent, le regard baissé. Ma Vierge semble s’oublier et lève le menton, observant la scène comme si elle n’en faisait pas partie. Je lui fais immédiatement oublier cette idée en la poussant à la suite des autres Vierges. Elle trébuche, mais se redresse et les suit en direction de l’avant de la salle.

    Mon père prend les mains de la première fille et la guide sur les trois marches menant à l’estrade blanche. Il attend pendant que les Vierges prennent place. Des agneaux qui attendent patiemment qu’on leur tranche la gorge. Je reste dans l’ombre alors que les autres hommes avancent, salivant presque.

    — Pourquoi as-tu voulu échanger ? demande Noé en se glissant à mes côtés.

    — Je n’en suis pas sûr.

    Je me concentre sur ma Vierge, qui tient ses mains croisées devant elle.

    Mon père prêche l’histoire d’Esther, mais sa voix n’est plus qu’un bruit de fond lointain pour moi.

    — Elle a un regard bizarre, dit Noé en enfonçant les mains dans ses poches. J’avais presque hâte de la rencontrer.

    Il semble résigné à subir le chant et la danse annuels de notre père.

    — Ce n’est qu’une idiote, tout comme les autres. Elles boivent les mensonges de notre père et supplient de le servir.

    Il soupire, mais ne fait aucun commentaire sur mon blasphème.

    — Je ne sais pas si je serais capable de faire ça une année de plus. Je passe bien trop de temps sur les finances. Le devoir des Vierges va me distraire.

    — Tu ne peux pas y échapper.

    Je fronce les sourcils en regardant mon père tandis qu’il continue son histoire sur des rois âgés qui avaient besoin de jeunes femmes vierges.

    — Il dit que c’est un avantage, tu sais ? De nous offrir des femmes comme ça. Mais ce n’est qu’une corvée. Encore un travail qui doit être fait.

    — Un travail qui ne rapporte rien, ou en tout cas, pas à nous.

    Il secoue la tête.

    — Comme tu dis.

    Je croise les bras sur mon torse et laisse mon regard vagabonder sur ma Vierge. Ses cheveux couvrent son visage tel un voile délicat, elle serre les mains comme si elle savait que quelque chose de mal allait arriver.

    Elle n’a pas idée.

    — Ainsi donc, pour honorer notre Seigneur, Dieu, je vous donne à toutes votre nouveau nom. À l’aune de l’amour et de la renaissance, vous viendrez à moi comme des enfants.

    Mon père se dirige vers le trône et s’assoit, un sourire indulgent sur son visage.

    — Viens, dit-il en faisant un signe vers la fille la plus proche.

    Elle avance, pressée de le satisfaire.

    — Retire ta robe, ma chère, et je te recevrai comme une enfant et te donnerai le nom que Dieu a voulu pour toi.

    Il se lèche les lèvres. Le cercle des loups se resserre autour de l’estrade.

    — Nue ? demande la fille, hésitante.

    — Oui. C’est ta renaissance. Tous les enfants viennent au monde innocents et nus.

    Mon père le prononce comme s’il était parfaitement normal pour une jeune femme de se déshabiller devant lui et tout un tas d’inconnus.

    Mais la fille est sous le charme. Elle croit véritablement que ce qu’il dit est la vérité. Lentement, elle relève sa robe, révélant le triangle de poils sombres entre ses cuisses et sa poitrine ronde aux tétons bruns.

    C’est le don de mon père : il peut dire à une foule de dix mille personnes d’arrêter de boire du lait, de commencer à prendre des vitamines, de ne plus vacciner leurs enfants, de commencer à porter plus de rose, et ils le feront tous. Il peut donner à l’absurde une sensation de raisonnable. Les gens croient véritablement qu’il est en lien avec Dieu. Et pourquoi le croient-ils ? Parce qu’il le prétend. Son don se manifeste de bien des manières, et la récolte annuelle de vierges pour le Ministère Céleste en est une.

    — Mon enfant, tu es véritablement bénie.

    Il laisse un regard lubrique étudier le corps de la jeune femme.

    — Et grâce à cela, ton nom sera…

    — Marie, dit Noé en levant les yeux au ciel.

    La première est toujours Marie.

    — Marie, proclame-t-il.

    — Merci, Prophète, dit la jeune femme en tendant la main vers son vêtement.

    — Non, ma chère. Reste fière avec tes sœurs.

    Il désigne la fille suivante alors que la Fileuse lui enlève le tissu des mains.

    Durant les dix minutes qui suivent, chaque fille doit se déshabiller et rester ainsi nue sous le regard des hommes. Les recruteurs ont choisi à la perfection cette année, ils ont fait un lavage de cerveau aux femmes les plus séduisantes du programme du Cloître, promettant sécurité, paix et sororité. L’argumentaire oublie cependant quelques éléments clefs, mais elles le sauront bien assez tôt.

    Quand c’est au tour de ma Vierge, je me surprends à être un peu trop intéressé.

    Elle s’approche de mon père et, contrairement aux autres filles, retire sa robe avant qu’il le lui demande avant de la jeter au sol. Pour un homme comme mon père, il s’agit là d’un signe de foi totale en lui, de dévotion au Cloître. Mais, moi, je vois cela comme un doigt d’honneur à mon père. Elle affronte cette comédie ignoble la tête haute. L’oiseau en moi claque une nouvelle fois de ses ailes osseuses, réveillé d’un profond somme.

    — Quant à toi, ma chère, tu es sacrée. Regarde-toi.

    Il tourne le doigt et elle tourne en cercle pour obéir. Ses longs cheveux blancs cascadent dans son dos, ses tétons roses pointent dans l’air froid et je peux voir des boucles blondes entre ses cuisses. Il m’est impossible de voir ses yeux gris. J’aimerais les voir, j’aimerais la voir. Pas son corps, mais ce qui bouillonne en elle.

    — Rapproche-toi.

    Mon père la prend par la main et la tire à lui jusqu’à ce que leurs genoux se touchent. Il se lèche les lèvres et je serre les poings. Ce n’est pas son tour à lui, c’est le mien.

    — Qu’est-ce qui ne va pas ? me demande Noé. Tu es tendu.

    — Je vais bien.

    Je relâche mon poing pendant que mon père continue.

    — Et qui est ton Protecteur, jeune fille ?

    Elle se tourne vers moi sans la moindre hésitation et il suit son regard.

    — Noé ? Adam ?

    Je fais un signe de la tête.

    — Eh bien.

    Il reporte son attention sur elle et l’attrape par la taille. Ses mains profanent sa peau douce.

    Elle ne tressaille même pas.

    — Je crois que je vais devoir dévier ici de ma route habituelle. Je dois te donner un nom qui conviendrait pour quiconque doit affronter quotidiennement Adam.

    Il lui adresse un faux regard consolateur.

    — Mais il ne te fera pas de mal, bien sûr. C’est un Protecteur, après tout. Hummm…

    J’ai envie de donner un coup de poing sur son visage suffisant, plus que je n’en ai jamais eu envie, et c’est un exploit.

    — Et si nous t’appelions Dalila ?

    Il laisse ses mains glisser plus bas, jusqu’à ses hanches.

    — Merci, Prophète.

    Si l’on n’y prête pas attention, on peut manquer le léger tremblement de sa voix. Je l’entends pour ma part parfaitement.

    — Tu peux y aller.

    Il la lâche et elle retourne dans la ligne de filles nues, laissées à la vue des enfoirés lubriques.

    — Dieu est bon.

    Mon père se lève et fait un signe vers les Fileuses. Elles se précipitent, chacune avec une robe dorée dans la main et aident les filles à se vêtir.

    Une fois le spectacle terminé, les hommes se dispersent et vont s’asseoir à table. Leurs voix couvrent le bruit des discussions discrètes sur l’estrade.

    — Quand va-t-il arrêter ça ? dit Noé en bâillant et en faisant un signe à sa Vierge pour qu’elle le rejoigne.

    Elle arrive comme un parfait petit chien obéissant, dans sa robe dorée qui tombe sur ses chevilles.

    — Je me demande si ces filles arrêteront un jour de tomber dans le panneau avec ces conneries.

    La Vierge de Noé m’adresse un regard choqué avant de regarder à nouveau le sol.

    Noé se rapproche de moi.

    — Ne laisse pas papa t’entendre quand tu dis ce genre de chose.

    — Je suis prudent.

    — Je sais. Mais on ne peut pas prendre le risque.

    — Je sais.

    Je m’éloigne de lui en ignorant les avertissements qu’il aimerait pouvoir ajouter. Ma Vierge, Dalila, se trouve au bord de la scène, dans sa robe dorée qui lui donne une allure encore plus surnaturelle.

    — Viens.

    Je lui prends la main et la tire vers la table la plus proche. Elle s’assoit en face de moi sans prononcer le moindre mot.

    Qui était-elle avant de venir ici ? Je vais devoir enquêter sur son dossier. Beaucoup de filles ayant exprimé un intérêt pour le Cloître viennent de familles éclatées et, par-dessus tout, ont un gros problème avec leur père. C’est d’elles que mon père profite. Dalila est-elle comme ça ? Encore la roue brisée d’un chariot qui n’était pas fait pour elle en premier lieu ?

    Cela n’a aucune importance, me rappelé-je. Qui elle était ne compte pas. Parce qu’elle est désormais dans le Cloître. Elle ne l’a probablement pas remarqué quand nous sommes entrés, mais chaque porte menant à l’extérieur possède un pavé numérique, des caméras sont installées partout, et les fenêtres sont surveillées de la même façon. Une fois qu’un fervent croyant se retrouve sous l’emprise de mon père, il ne repart plus. Pas de sa propre volonté, en tout cas.

    — Quel est ton nom ?

    La question m’échappe alors qu’elle aurait dû rester cachée avec le reste des choses oubliées qui se trouvent dans mon esprit.

    — Dalila, dit-elle d’une voix si faible que je l’entends à peine.

    — Ton vrai nom.

    — Dalila.

    — Merde.

    Je me penche en arrière sur ma chaise et la dévisage.

    Elle ne croise pas mon regard, son masque docile fermement en place.

    — Nous avons encore une petite cérémonie à accomplir avant que vous puissiez partir pour la nuit, les filles, lance la voix de mon père.

    Il s’approche de moi, flanqué d’Abigaïl, qui porte un petit appareil vert.

    — Je suis certain que tu languis d’en finir, dit mon père en me souriant.

    Je tends la main vers Dalila, qui la regarde comme s’il s’agissait d’un serpent venimeux.

    — Prends ma main.

    Elle regarde mon père.

    — Ne le regarde pas lui, regarde-moi moi.

    Je parle d’un ton calme et pourtant létal. Me montrer faible devant mon père n’est pas une option.

    Elle tend une main délicate que je prends dans la mienne, pleinement conscient que toutes les Vierges de la pièce regardent.

    Abigaïl, avec ses cheveux gris remontés en un chignon serré, tient un pistolet en plastique.

    — Tenez-la.

    Je tire Dalila par-dessus la table. Elle crie de surprise, mais je ne la lâche pas. Au lieu de ça, je me lève et cale son bras sur la table avec mes deux mains. Après quelques secondes de lutte, elle devient placide, comme si quelqu’un avait appuyé sur un interrupteur en elle. Elle apprend vite et s’adapte à la violence de cet endroit. À la violence en moi.

    — Ça ne fera mal qu’une seconde, ma petite, dit mon père en passant une main dans ses cheveux.

    À cet instant, je le hais plus que je ne l’ai jamais haï. Il touche ce qui m’appartient.

    — On y va, dit Abigaïl en posant la pointe du pistolet sur le haut du bras de Dalila. Ça va piquer, mais tout va bien.

    Elle appuie sur la large gâchette et une puce électronique glisse dans la

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