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Démocratie(s), Parlementarismes(s) et légitimité(s) / Democracy(ies),Parliamentarism(s) and legitimacy(ies)
Démocratie(s), Parlementarismes(s) et légitimité(s) / Democracy(ies),Parliamentarism(s) and legitimacy(ies)
Démocratie(s), Parlementarismes(s) et légitimité(s) / Democracy(ies),Parliamentarism(s) and legitimacy(ies)
Ebook514 pages6 hours

Démocratie(s), Parlementarismes(s) et légitimité(s) / Democracy(ies),Parliamentarism(s) and legitimacy(ies)

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About this ebook

Cet ouvrage réunit des chercheurs issus des principaux centres, chaires et réseaux de recherche en études législatives d’Amérique du Nord, d’Europe et du Maghreb. Leurs contributions en anglais et en français visent à comprendre les différentes transformations de la démocratie représentative dans un système concurrentiel des formes démocratiques (participative, délibérative, etc.) et de nouvelles hiérarchisations législatives (l’européanisation, le fédéralisme et le parlementarisme rationalisé). Il s’agit en premier lieu d’analyser les députés et la fabrication contemporaine de la loi, c’est -dire comment ils travaillent dans les commissions, usent de leurs pouvoirs d’interpellation et quels sont leurs rapports aux groupes d’intérêts. Il s’agit en second lieu d’évaluer la nature et les modalités du contrôle parlementaire notamment en s’intéressant aux ressources administratives mises à leurs dispositions et à leurs pouvoirs dans le domaine budgétaire. Il s’agit in fine de comprendre en quoi la composition du corps électoral et la construction de l’opinion politique, le fonctionnement des partis politiques et des groupes parlementaires, le contexte institutionnel fédéral et/ou post-autoritaire déterminent ou non le degré d’autonomie et d’efficacité parlementaire.
LanguageEnglish
PublisherBruylant
Release dateJul 3, 2019
ISBN9782802764786
Démocratie(s), Parlementarismes(s) et légitimité(s) / Democracy(ies),Parliamentarism(s) and legitimacy(ies)

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    Démocratie(s), Parlementarismes(s) et légitimité(s) / Democracy(ies),Parliamentarism(s) and legitimacy(ies) - Nadim Fahrat

    couverturepagetitre

    Des reproductions peuvent être autorisées par luxorr (Luxembourg Organisation for Reproduction Rights) – www.luxorr.lu

    Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez notre site web : www.larcier.com

    © Lefebvre Sarrut Belgium s.a., 2019

    Éditions Bruylant

    Rue Haute, 139/6 - 1000 Bruxelles

    EAN : 978-2-8027-6478-6

    Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Nord Compo pour ELS Belgium. Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique. Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.

    Sommaire

    Introduction

    Nadim Farhat, chercheur en science politique à l’Université du Luxembourg

    Philippe Poirier, titulaire de la Chaire de recherche en études parlementaires, professeur de science politique à l’Université du Luxembourg

    Standing committees in the transformation of parliaments and in shaping the form of government: The case of France, Italy and UK

    Cristina Fasone, professeur associé de science politique au Centro di Studi sul Parlamento de la LUISS Guido Carli de Rome.

    Party Switching in the Canadian Federal Context: 1867-2014

     Feodor Snagovsky, doctorant en science politique à l’Université Nationale d’Australie 

    Matthew Kerby, enseignant-chercheur en science politique à l’Université Nationale d’Australie 

    Facing Federalism, Multi-Party Governments and Direct Democracy : The Swiss Parliament – strong or weak?

    Andreas Ladner, professeur de science politique à l’Institut de hautes études en administration publique et politiques institutionnelles de l’Université de Lausanne 

    Des questions au Parlement européen : pour quoi faire ?

    Julien Navarro, maître de conférences en science politique à l’École européenne de sciences politiques et sociales de Lille.

    Lobbyists in the Norwegian Parliament: Contacts, Impacts and Assessments

    Hilmar Rommetvedt, professeur de science politique à l’Université de Stavanger

    Research into Parliamentary Administrations in EU Affairs: Quo Vadis?

    Anna-Lena Högenauer, chercheuse en science politique à l’Université du Luxembourg

    Boussole électorale et configuration d’un système partisan : Le cas du Québec

    François Gélineau, titulaire de la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires, professeur de science politique à l’Université Laval.

    Eric Montigny, directeur scientifique de la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires, professeur adjoint de science politique à l’Université Laval.

    Annexe

    Boussole électorale : Québec 2012

    Questions Finales

    Le contrôle parlementaire des finances publiques dans les pays francophones : Enquête et résultats

    Mohamed Djouldem, maître de conférences en science politique à l’Université Paul Valéry de Montpellier

    Construction et déconstruction du régime parlementaire tunisien dans un contexte post-autoritaire

    Hatem M’rad. Professeur de science politique à la Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales de Tunis. Université de Carthage

    Étendre le droit de vote des étrangers aux élections législatives : Pourquoi les Luxembourgeois n’en veulent pas ?

    Raphaël Kies, chercheur en science politique à l’Université du Luxembourg

    Liste des contributeurs

    Introduction

    Nadim Farhat, chercheur en science politique à l’Université du Luxembourg

    Philippe Poirier, titulaire de la Chaire de recherche en études parlementaires,

    professeur de science politique à l’Université du Luxembourg.

    Cet ouvrage se veut une plongée dans les rouages de la démocratie parlementaire. À travers la diversité des chapitres des contributeurs, on y décèle la formidable vitalité de la vie des assemblées législatives. En synthétisant les apports des contributeurs de cet ouvrage, deux tendances se dégagent s’agissant du parlementarisme. D’abord, une complexification des mécanismes de la démocratie représentative. Un tel constat n’est pas étonnant dès lors que l’on prend en compte, à la faveur des crises financières et politiques à l’intérieur du monde occidental, la demande de transparence, de contrôle accru des dépenses publiques ainsi que l’exigence d’un lien plus étroit entre le citoyen et l’électeur et entre le peuple et ses institutions publiques. De ces convulsions découle une deuxième tendance : la parlementarisation du jeu politique. Plus que jamais dans l’histoire récente de l’Europe, de l’Amérique du Nord et au-delà, les parlements deviennent le siège des innovations institutionnelles et le cadre par excellence des conflits entre acteurs politiques et celui de leur résolution. Plus encore, à la faveur du referendum pour la sortie de la Grande Bretagne de l’Union européenne (UE), le parlement de Westminster est réapparu comme l’expression retrouvée de la souveraineté populaire. Cette même tendance de fond qui vise à re-légitimer les systèmes politiques par le biais d’un rôle accru des assemblées législatives s’observe également ailleurs, dans le Parlement européen par exemple perçu comme un instrument majeur permettant de répondre au fameux « déficit démocratique » dont souffre l’UE.

    Dans le premier chapitre de cet ouvrage, Christina Fasone examine l’interaction des pouvoirs à l’œuvre au sein des démocraties contemporaines à travers son analyse des commissions parlementaires permanentes. Celles-ci désignent les organes de contrôle composés de députés, mis en place en début de législature pour assurer le suivi d’une matière bien définie de l’activité gouvernementale. Les commissions parlementaires, souligne Fasone, sont en dialogue permanent avec les ministres sur des projets de loi de leur domaine de compétence. Au sein de cette relation « intense » qui les amène à proposer des amendements, à mener des enquêtes, à effectuer des missions d’information et à orchestrer la procédure parlementaire, elles acquièrent un rôle pivot visible dans le fait que les « règles présidant leur fonctionnement peuvent fortement conditionner la performance d’une certaine forme de gouvernement, en particulier lorsque les commissions sont investies d’un pouvoir de veto ou de pouvoirs décisionnels (autonomes). » À l’heure où les prérogatives du parlement se sont en règle générale érodées au bénéfice des exécutifs, Fasone note que les commissions parlementaires ont préservé une influence significative au vu de leur capacité de contrôle voire de façonnement des politiques publiques. Bien qu’elles se situent à différents stades d’un continuum qui conduit au cas paradigmatique britannique, les situations de l’Italie, de la France et de la Grande-Bretagne viennent illustrer, au-delà des variations dans leur forme de gouvernement, un pouvoir qui s’opérationnalise sur une assise législative prenant les commissions parlementaires pour pierre angulaire. Le regain d’intérêt pour ces organes dans ces trois cas qui ont emprunté des trajectoires constitutionnelles non identiques laisse penser qu’une réaffirmation des prérogatives du parlement en Europe continentale est un processus en cours, rebattant à nouveau les cartes du jeu pluriséculaire qui le lie au pouvoir exécutif.

    Feodor Snagovsky et Matthew Kerby se penchent sur une dimension plus politique du jeu parlementaire : le changement d’affiliation partisane par les élus des assemblées législatives. Loin d’être insignifiant, ce phénomène touche de multiples pays, a concerné le quart des députés italien sur une mandature, a fait chuter le gouvernement espagnol et a altéré la balance des pouvoirs au sein du Sénat américain. Plus profondément, notent les deux auteurs, le changement d’affiliation remet en cause la capacité des partis politiques à être les instruments fiables du système démocratique. En permettant de réduire le coût d’information pour les votants, d’accroître l’imputabilité des dirigeants publics et de servir de forum d’organisation et de rationalisation de la vie politique, les partis jouent un rôle d’interface entre l’électorat et les gouvernants. Or le changement d’affiliation partisane, phénomène empreint d’opportunisme, brouille la lisibilité du processus représentatif en affaiblissant le lien de confiance entre gouvernés et gouvernants et en accélérant la fragmentation et la cohérence de l’offre politique.

    À partir d’une base de données contenant des informations sur les changements d’affiliation partisane entre 1867 et 2014 au sein de la Chambre des communes du parlement canadien, l’analyse longitudinale effectuée par Snagovsky et Kerby suggère que l’un des déterminants institutionnels de ces changements a trait au nombre de partis. Ce nombre se trouve significativement corrélé à la fréquence de modification de l’appartenance partisane. Le multipartisme, en opposition au bipartisme, offre un plus grand choix aux députés qui parviennent à rompre d’autant plus aisément et fréquemment le lien avec leur parti d’origine que de multiples « tentations » s’offrent à eux. Une prochaine étape de recherche sur cette thématique pourrait consister à examiner la variable personnelle – les motivations des parlementaires – et les raisons pour lesquelles la rupture du lien avec le parti d’origine survient au Canada de plus en plus souvent à mi-mandat du parlement. Un autre défi de taille serait de tester avec un nombre plus élevé de cas les hypothèses générées par l’étude fructueuse du cas canadien.

    Dans son analyse du système politique suisse, Andreas Ladner évoque le parlement helvétique en tant que creuset du fédéralisme du pays. Il dresse un panorama assez complet des caractéristiques constitutionnelles de l’Assemblée fédérale, cristallisées au gré des évolutions historiques. Le rapport avec les Cantons, jaloux de leur autonomie à l’instar des entités fédérées des États-Unis, en a été le jalon marquant qui continue aujourd’hui encore à façonner l’envergure des pouvoirs de l’assemblée parlementaire et sa capacité de contrôle de l’activité gouvernementale. C’est précisément au regard de la force ou de la faiblesse de l’organe parlementaire que se situe l’apport principal de cette contribution. Ladner argumente que le parlement subit de front les effets du fédéralisme et de la démocratie directe, deux propriétés intrinsèques au schéma institutionnel suisse. D’une part le fédéralisme soustrait au parlement national toute une série de domaines qui réduisent la portée de ses décisions. D’autre part, alors que le parlement constitue ordinairement la plus haute autorité du pays, lorsque les instruments de la démocratie directe sont activés, un renversement s’opère au détriment des représentants et au profit du peuple, source des pouvoirs, à qui revient de trancher les grands débats nationaux. Le court-circuitage du processus législatif dépossède le parlement temporairement de sa fonction, assistant régulièrement de façon passive à des modifications constitutionnelles ou législatives qu’il doit parfois assumer à son « corps défendant ». En cela, l’Assemblée fédérale suisse est jugée « faible ». Il n’en reste pas moins que, pris individuellement, les députés fédéraux suisses jouissent comparativement de plus d’indépendance que leurs collègues français ou belges. Ces derniers sont soumis à la discipline des groupes parlementaires ou aux contraintes imposées par les coalitions de gouvernement. Les parlementaires suisses en sont affranchis en raison de leur incapacité à engager la responsabilité de l’organe exécutif et de l’incapacité de ce dernier à dissoudre le parlement. En cela, ils regagnent individuellement un pouvoir qui rejaillit sur l’ensemble de l’organe parlementaire. Grâce notamment à cet équilibre le parlementarisme suisse « fonctionne assez bien » d’après Ladner même s’il s’agit d’un fonctionnement sui generis.

    Aussi bien au Parlement suisse qu’au sein d’autres assemblées législatives nationales ou supranationales, l’autonomie et l’idiosyncrasie des députés s’expriment à travers un canal éprouvé d’interpellation de l’exécutif, à savoir les questions parlementaires. Julien Navarro privilégie l’examen de cet instrument du parlementarisme au sein du Parlement européen qui a connu ces dernières années une explosion du nombre des questions écrites posées par les députés. Navarro souligne que cette évolution est assez étonnante. Les questions parlementaires drainent en général moins d’attention et de bénéfices en termes de visibilité aux députés que d’autres outils comme les amendements ou les rapports législatifs qui affectent davantage le processus décisionnel. Il n’empêche que les retombées positives réduites des questions sont efficacement contrebalancées par un coût lui aussi « comparativement bas ». L’essor remarquable de la procédure écrite, objet d’un usage intensif par les députés européens, à défaut d’offrir des bénéfices immédiats, remplit des fonctions diverses qui prouvent son utilité. Outre un contrôle classique des exécutifs européens – Commission et dans une moindre mesure Conseil –, les questions jouent un rôle de signalement en épinglant une problématique qui nécessiterait un traitement prioritaire. Elles permettent, en sollicitant l’expertise de l’administration, d’obtenir des informations jusque-là inconnues et désormais à la disponibilité de l’opinion publique et de ses représentants.

    L’analyse développée par Hilmar Rommetvedt fournit une illustration supplémentaire d’une réaffirmation potentiellement en cours des assemblées législatives au sein des démocraties occidentales. À travers le prisme de l’activité de lobbying auprès du Parlement norvégien, Rommetvedt identifie un glissement symptomatique. Longtemps la Norvège a été caractérisée par une organisation corporatiste plaçant le processus décisionnel en dehors de l’arène parlementaire. Les décisions importantes en effet se trouvaient élaborées dans le cadre de négociations collectives entre syndicats, patronat, représentants des pêcheurs et des agriculteurs ainsi que le gouvernement. Le parlement n’intervenait qu’en aval de ce processus pour entériner une décision déjà acquise afin de lui donner force de loi. Contourné par des instances s’arrogeant un pouvoir normatif de fait, le parlement devenait ainsi une simple chambre d’enregistrement. Depuis les années 2000, un changement décisif s’opère. Alors que les groupes d’intérêts continuent d’exercer une influence sur le processus décisionnel, leur activité de lobbying s’effectue désormais directement auprès du parlement et des députés sans transiter par les structures corporatistes parallèles de négociations collectives. L’organe parlementaire est à nouveau actif dans le processus législatif. D’après notre auteur, ce basculement, loin de porter préjudice à l’intérêt général en renforçant les intérêts particularistes, a enrichi le processus parlementaire. Il a d’abord multiplié le nombre de groupes d’intérêts auparavant limités et institutionnalisés, permettant à de nouvelles voix de formuler des revendications parfois légitimes en s’adressant directement au parlement. Celui-ci capte ensuite un flux d’information dont il était dépourvu. Il a désormais accès à des contre-expertises face à des projets gouvernementaux complexes bénéficiant de l’expertise de l’administration. En d’autres termes, le pouvoir de contrôle et de décision du parlement se trouve consolidé à mesure que l’activité de lobbying se déplace de l’arène corporatiste à l’arène parlementaire.

    Ce pouvoir se trouve davantage encore consolidé lorsque les parlements disposent d’une administration propre qui les assiste dans leur fonction d’élaboration des lois et de contrôle de leur exécution. C’est l’objet du chapitre rédigé par Anna-Lena Högenauer qui place d’emblée la focale sur le risque découlant de l’affectation des fonctionnaires à des tâches de suivi de l’action gouvernementale. Ce risque, bien que circonscrit à un rôle d’assistance et non de décision, dévoile néanmoins en filigrane la question de légitimité que met en jeu l’attribution au sein des parlements européens d’une mission de nature politique à des fonctionnaires non élus. En se basant sur une vaste revue de littérature portant sur l’administration parlementaire au sein du Congrés des États-Unis et des parlements nationaux du Vieux Continent ainsi que du Parlement européen, Högenauer suggère plusieurs pistes pour de futures recherches dans ce domaine tout en pointant le peu d’études quantitatives en dehors du cadre des recherches analysant l’interaction entre bureaucratie et politique au sein de l’organe parlementaire européen.

    En amont de l’activité parlementaire, les élections sont souvent le siège d’innovations révélant le dynamisme de certains régimes démocratiques. Adoptée en particulier en France, en Belgique, en Suisse, en Australie et au Canada, une de ces innovations consiste à offrir aux citoyens un outil internet qui permet d’identifier, en les vulgarisant, les enjeux politiques du moment tout en procurant des indications sur les probables préférences partisanes de l’internaute-électeur. Eric Montigny et François Gélineau exploitent le potentiel scientifique de cet outil qu’ils baptisent boussole électorale en explorant, dans le contexte québécois, l’importante banque de données générée lors des dernières élections. Montigny et Gélineau ont pour ambition d’analyser l’évolution dans le temps du système partisan québécois. Longtemps animé par un bipartisme structurel résultant du débat autour de l’indépendance, la Province francophone connaît depuis quelques années un renouveau du clivage socio-économique qui parvient à supplanter dans une certaine mesure le clivage fédéralistes/souverainistes. La nouvelle affirmation au Québec de l’opposition d’intérêts la plus classique du paysage politique occidental a érodé les préférences partisanes traditionnelles. Elle se traduit par une volatilité électorale favorisant le multipartisme. On observe également un croisement intéressant des deux clivages : alors que les partisans de l’indépendance affichent une plus grande proximité avec les thèmes de la « gauche », les défenseurs du fédéralisme penchent majoritairement vers les valeurs promues par la « droite ». Tous ces phénomènes sont capturés grâce aux données de la boussole électorale qui, au-delà de ses limites que discutent nos deux auteurs, comprend un potentiel d’observation du champ électoral et partisan que les politologues intéressés par ces domaines gagneraient à s’en emparer.

    Depuis les origines du parlementarisme, le contrôle des finances publiques est intimement associé à la fonction de représentation qu’assurent les assemblées législatives. C’est par ce rappel que Mohammed Djouldem amorce sa contribution qui traite des pouvoirs dont sont dotés les parlements francophones dans leur activité de vérification des finances publiques. Que ce soit le principe qui éclot dans les colonies américaines de « pas de taxation sans représentation » ou celui plus ancien de « consentement à l’impôt » élaboré dès le Moyen Âge anglais, le parlement est un acteur central de l’entièreté du processus qui va de l’établissement des impôts à l’évaluation de la dépense publique. Qu’en est-il de l’effectivité du contrôle budgétaire dans les parlements francophones traditionnellement moins assertifs dans ce domaine que leurs homologues anglo-saxons ? À l’aide d’un questionnaire soumis à des fonctionnaires de l’administration parlementaire dans dix pays francophones, Djouldem identifie les dynamiques institutionnelles et le fonctionnement à la fois des Institutions supérieures de contrôle, comme la Cour des comptes ou l’Inspection des finances, et des commissions parlementaires chargées de surveiller l’utilisation des fonds publics par le pouvoir exécutif. À travers une analyse détaillée et comparée, notre auteur fait état d’un éventail très large de ressources légales et institutionnelles qui laissent augurer d’une montée en puissance prochaine du contrôle parlementaire des finances publiques dans les pays de culture francophone.

    À l’avant-poste des bouleversements du monde arabe, la Tunisie depuis 2011 est prise, selon Hatem M’rad, dans un double mouvement derridien de « construction » et « déconstruction » du régime parlementaire. « Construction » parce que la Tunisie est encore actuellement en pleine phase de transition démocratique. Les normes de participation politique, le principe de limitation du pouvoir exécutif, les libertés publiques sont une nouveauté dans une terre qui n’a connu depuis l’indépendance, et malgré une modernisation sociétale notable, qu’un pouvoir essentiellement autoritaire. Mais cette implantation est doublée d’une déconstruction de la philosophie d’un régime conçu à l’origine sous d’autres cieux. Deux éléments sont notamment signalés par notre auteur. D’abord, la motivation du parti Ennahdha qui a jeté son dévolu sur le régime parlementaire réside dans une préférence formulée par cette formation islamiste envers la séparation souple des pouvoirs. Celle-ci peut se traduire en effet par une concentration des pouvoirs exécutif et législatif entre les mains d’un même parti. S’il ne contredit pas le processus politique propre au régime parlementaire, le choix de régime par le parti qui a le plus influencé la phase de transition démocratique révèle une intention teintée de velléités autoritaires. Enfin, l’expérience tunisienne n’a pas encore pu développer une culture civique qui lui est propre. Une culture politique empreinte de modération et de tolérance représente généralement un facteur décisif pour la vie institutionnelle, en particulier pour un pays engagé dans une voie « d’écriture », pour reprendre une expression de Derrida, des règles et des opérations de son régime politique. C’est à ces pistes de réflexions, renfermant la promesse d’un enracinement du régime parlementaire en Afrique du Nord, que nous invite le chapitre de Hatem M’rad.

    S’attardant longtemps sur la démocratie représentative, cet ouvrage se conclut par une incursion sur les terres de la démocratie directe. Dans un pays qui tire sa force de sa diversité sociétale et de l’apport crucial des migrations à sa richesse économique, comment peut-on expliquer le rejet par référendum de l’extension du droit de vote pour les élections législatives aux résidents étrangers ? Raphael Kies échafaude trois hypothèses pour répondre à cette interrogation : l’explication politique par un vote sanction dicté par les enjeux du moment contre le gouvernement ; l’explication économique qui fait écho à la conviction chez certains votants que le protectionnisme est de nature à protéger l’emploi public et privé ; enfin l’explication identitaire qui se traduit par la peur d’une déperdition de souveraineté à mesure que l’ethos national s’étiole au sein d’un corps électoral élargi. Opérationnalisant ces hypothèses à travers des indicateurs issus d’un sondage post-référendaire, la régression logistique multivariée modélisant la probabilité de voter en faveur de l’extension du droit de vote aux étrangers suggère plusieurs pistes de réponse dont une particulièrement intéressante. Elle confirme dans le cas luxembourgeois la tendance observée dans d’autres référendums que les citoyens votent d’abord en fonction de leur proximité politique avec le gouvernement en place. L’effet de cette variable est massif sur la propension à se prononcer en faveur de l’extension du droit de vote des étrangers. Loin d’être xénophobe, l’électeur luxembourgeois est, à l’instar d’autres citoyens européens s’exprimant par voie référendaire, désireux de sanctionner le cours d’une politique gouvernementale qui a déjà rencontré l’effet souvent décevant du réel.

    Standing committees in the transformation of parliaments and in shaping the form of government:

    The case of France, Italy and UK

    Cristina Fasone, professeur associé de science politique au Centro di Studi sul Parlamento de la LUISS Guido Carli de Rome.

    1. Introduction: different committee systems in different forms of government

    2. Transforming parliaments. The setting up of standing committees in France, Italy and the UK

    3. The position of standing committees in Parliament and the organisation of the committee system

    4. The evolution of the form of government in the light of the changes of standing committees’ powers

    5. Conclusion

    1. I

    NTRODUCTION

    :

    DIFFERENT

    COMMITTEE

    SYSTEMS

    IN

     

    DIFFERENT

    FORMS

    OF

     

    GOVERNMENT

    As Michel Debré used to say with reference to the system of the French Fourth Republic, too many and too powerful committees in parliament can limit substantially the margin of manoeuvre of the executive branch in ruling over the country. ¹ The standing committees were so strong as to become incompatible with the parliamentary form of government in existence at that time (1946 to 1958).

    The setting up of standing committees for carrying out legislative oversight or scrutiny activities characterizes all parliaments in Europe and, potentially, in the world. ² By standing committees we refer to those parliamentary bodies set up systematically at the beginning of every parliamentary term for the duration of the entire legislature – although their composition can be adjusted and updated to the political reality – and having a specialized jurisdiction, provided in binding rules or practice, ³ on a set of subject-matters as to cover the whole spectrum of public policies. In this sense, they are deemed to form a committee system, based on a mutual relationship among these committees as for their composition and participation in parliamentary procedures. Although the operation of standing committees does not prevent the creation of ad hoc or special committees, legislatures usually rely on the former for the greater part of their constitutional tasks.

    Moreover, standing committees enjoy a privileged relationship with the executive branch. They look closely at the daily activity of the Ministers and departmental secretaries, by subject matter. Standing committees and Ministries entertain a constant dialogue on the relevant bills examined in parliament with regard to amendments tabled and the committee stage in the legislative process.

    Given such a close relationship between standing committees and their Ministers, since the committees’ jurisdiction corresponds basically to the Ministries’ portfolios, it has been expressly acknowledged that parliaments, by means of their committees, are deemed capable to define the general political directions and priorities of national policies; ⁴ in other words, standing committees are able to shape the form of government in a certain legal system, that is the relationship between constitutional bodies entitled to set the general political directions in a polity. ⁵ At least potentially, the relationship between legislatures and executives is so intense within committees that the rules presiding over their functioning can strongly condition the performance of a certain form of government, especially where committees are empowered with veto or (autonomous) decision-making powers. When this happens, the Executive is forced to negotiate the measures to be adopted with these parliamentary bodies.

    Parliaments have changed substantially over time, particularly in the new century, as a consequence of new phenomena appearing in the institutional landscape, such as the transfer of significant normative powers from legislatures to executives, the crisis of the parliamentary legislation and of the long standing representative function of political parties and legislatures, globalization and the deepening of processes of regional integration, mediatisation and personalization of politics, as well as the rise of populist movements. By the same token, for example we have witnessed a shift in the balance between the exercise of the legislative and the oversight function in legislatures in favour of the latter.

    This chapter argues that, in spite of the transformations of parliaments, standing committees, also by way of constitutional, legislative or standing orders’ reforms, have accommodated their role accordingly, and are still influential in shaping the form of government. This relationship, between standing committees and operation of a form of government is presented in three legal systems, France, Italy, and the United Kingdom (UK), selected on the basis of the different nature of their forms of government, semi-presidential in France and parliamentary in the other two countries, although loosely rationalised in Italy while (traditionally) very stable and centred on the role of the Prime Minister in the UK. ⁶ The committee systems in the three parliaments also show rather diverse features in terms of structure and powers assigned to standing committees ⁷. However, in the last few years the transformation of the executive-legislative relationship, achieved by means of a constitutional reform in France and of legislative and standing orders’ reforms as well as of changes of the institutional practice in Italy and the UK, has confirmed the centrality of standing committees for the proper functioning of those forms of government.

    The paper is devised as follows: Section 2 provides an overview of the constituent moment of standing committees in the three legislatures as a turning point for the transformation of parliaments; Section 3 examines the structure and the organisation of the system of standing committees in each country; Section 4 analyses the evolution of the three forms of government in the light of the changes of the powers of the standing committees; finally, Section 5, attempts to draw some conclusions on the basis of the comparison between the three constitutional case-studies.

    2. T

    RANSFORMING

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    The choice of a legislature for creating a system of standing committees in the twentieth century depended on many factors: for instance, the engagement of the State, and consequently of the executive, in exercising new public functions and in providing social services; the need to control public expenditure more carefully; the growth of the statutes approved; the rise of a more complex and technical legislation. These factors imposed on parliaments more rational arrangements in order to face their new workload. Standing committees fitted perfectly in parliaments in search of a more specialised support to their activity, dealing with highly complex and technical bills, and for faster decision-making procedures.

    Another prominent factor forced (most) parliaments to organise in committees, namely the creation of parliamentary groups as stable structures and points of reference for parliamentary procedures. The weight of groups in committees was proportional to their size in the Chamber. Thus, by sitting in committees political groups were able to control the crucial activities of pre-legislative scrutiny and oversight much better than had occurred in the previous Bureaux, whose components were chosen at random, or than the Committee of the Whole House, where parliamentarians (MPs) participated on a voluntary basis. The process of institutionalisation of standing committees, which entails a transformation of the parliament itself, however, has taken place at different moments in the history of the selected legislatures.

    Since the period of the Revolution of 1789, the French legal system has always experienced an ambivalent relationship vis-à-vis parliamentary committees, in particular the standing committees. Periodically there has been a swing between their refusal, acceptance or even enhancement, ⁸ as a consequence of constitutional developments. Every French Constitution elaborated its own model of committees or forbade them. For example, while the Constituent Assembly of 1789 set up around thirty standing committees, specialised by subject-matter, the Convention of 1792 conferred on standing committees the power to rule as if they were governmental authorities enabled to take decisions; and then, from 1795 until 1848 no standing committees were in operation within the French legislatures. ⁹ Subsequently, from 1848 to the formation of the French Third Republic, in 1871, parliamentary activities were organised according to the system of the Bureaux – temporarily established and composed of MPs chosen by way of drawing – lacking any other organisational principle that could shape the legislature. ¹⁰ Only in 1902, by way of an amendment to the existing rules of procedure, did the establishment of standing committees become a general principle of parliamentary organisation. ¹¹

    In addition, a few years later, on 1st July 1910, following the official set up of political groups in the Assembly, the rules of procedure were amended again, so as to ensure that the composition of the standing committees reflected proportionally the size of political groups in the House. With this decision to link standing committees and political groups, which was reproduced later on in many other legislatures in the world, the destiny of these two kinds of parliamentary bodies became irremediably interwoven. Since then, during the French Third and Fourth Republic, standing committees have grown in their prestige and number, building up a committee system able to control all public policies. The strength of standing committees in the presence of highly fragmented ruling coalitions in the executive branch put into question even the endurance of the government in office. Standing committees became so powerful that later the founding fathers of the Fifth Republic, in 1958, deliberately decided to marginalise these parliamentary bodies in the new constitutional architecture, up to the point that they were considered the main victims of the attempt to rationalise the French form of government. ¹²

    By contrast, the British parliamentary tradition, until recently, has not favoured a process of institutionalization of a committee system. For a long time, at least until the end of the Seventies, the will of the British executives to control parliamentary activities undermined the effectiveness of parliamentary committees, which were kept deliberately powerless by prohibiting their establishment as standing committees.

    According to the distinction proposed by Norton, between chamber-oriented and committee-oriented legislatures, the British Parliament fell undoubtedly into the first category ¹³. Before the 1979 reform of the Standing Orders, the House was at the heart of parliamentary work and the executive found it relatively easy to supervise its activity instead of being involved in complex negotiations with several committees.

    This did not imply, however, that the British House of Commons remained devoid of a clear internal structure. During the Tudor Kingdom (1485-1603), when the principle of separation of powers was still far from being enforced, the King was used to appointing committees in Parliament, aiming to control the activity of this institution. ¹⁴ Nonetheless, the attempt to circumvent such interference by the King with parliamentary autonomy led some MPs to meet in committees of the whole House, i.e. committees that met in camera to debate freely and were composed on a voluntary basis, which later became one single committee of the whole House, presided over by a temporary chairman, different from the Speaker of the House, who was deemed to be a civil servant of the King ¹⁵. The activity of the committee of the whole House was kept confidential and showed a low level of formalisation compared to the procedure of the House. Since then, and until 1979, the proceedings in the House of Commons have been arranged according to three formats: the House, the Committee of the Whole House, in particular

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