Discover millions of ebooks, audiobooks, and so much more with a free trial

Only $11.99/month after trial. Cancel anytime.

Victimes Au Banc Des Accusés
Victimes Au Banc Des Accusés
Victimes Au Banc Des Accusés
Ebook330 pages3 hours

Victimes Au Banc Des Accusés

Rating: 0 out of 5 stars

()

Read preview

About this ebook

Le grant de crdit dune institution bancaire du Qubec se fait enlever un soir dt en 1977. Les ravisseurs lemmnent une cinquantaine de kilomtres de l, lenferment dans un cachot souterrain et exigent de ses employeurs quils paient une forte ranon pour sa libration. Les autorits mandatent un groupe dlite pour diriger lenqute qui pitinera pendant des mois. La stratgie utilise soumettra lotage et ses proches des pressions insupportables tant de la part des policiers que de certains mdias. Cette approche suscitera ventuellement chez les lecteurs et auditeurs des doutes quant lidentit des coupables et entachera ainsi jamais la rputation de plusieurs personnes. Laffaire sera finalement rsolue par un policier, ancien gardien de prison, dot dun sens de lobservation et dune conscience professionnelle remarquables. Ce livre raconte lhistoire de lenlvement, de lenqute et de ses consquences telles que perues et subies par lotage et sa famille. Cest Pierre Marion, le fils de lotage, qui raconte lhistoire. Il a choisi de le faire la troisime personne en changeant son nom et celui de la plupart des personnages afin que leur identit ne distraie pas le lecteur de la trame du rcit et de la grande dtresse vcue par les victimes.
LanguageEnglish
PublisherXlibris US
Release dateNov 12, 2013
ISBN9781493110445
Victimes Au Banc Des Accusés
Author

Pierre Marion

The author, Pierre Marion, has made a career in international development, which has included engagements in the Eastern Caribbean, West Africa and in Central America, where he remains. Pierre wanted to record the events and the communications so he began to record these 35 years ago. As time passed he felt a need to honor the victims who had to live through an unnecessary emotionally tortuous time period, and this story is the result. It is late summer in 1977 in the Québec Province of Canada, when a credit manager of a notable banking institution in Sherbrooke is kidnapped. In its day a $1 million ransom was an unheard of amount of wealth, and the abduction received international coverage. At the same time, a prevalent criminal profiling theory believed families or someone close to the family is nearly always involved in abductions and ransom demands. How did the family walk a tightrope of cooperation with investigators and protect themselves from having misconstrued events and comments become arguments for what might later land them on the bench of the accused? And who was feeding information about the investigation to the media, and why? This just unleashed waves of public negativity and other unintended consequences. And how could a chance beer at a local pub break the case wide open nearly eleven months after the abduction? Did it end the ordeal, or what then would follow and for how long? It is with this in mind that Pierre Marion, the hostage’s son had to tell the real story, as best he could. The names of most characters where changed so their identities would be protected.

Related to Victimes Au Banc Des Accusés

Related ebooks

Performing Arts For You

View More

Related articles

Reviews for Victimes Au Banc Des Accusés

Rating: 0 out of 5 stars
0 ratings

0 ratings0 reviews

What did you think?

Tap to rate

Review must be at least 10 words

    Book preview

    Victimes Au Banc Des Accusés - Pierre Marion

    VICTIMES

    AU BANC DES

    ACCUSÉS

    PIERRE MARION

    PRÉFACE DE PIERRE-HUGUES BOISVENU, SÉNATEUR

    Copyright © 2013 APPM2013 Inc.

    Numéro de contrôle de la Library of Congress :    2013917900

    ISBN :          Couverture rigide                 978-1-4931-1046-9

                         Couverture souple                978-1-4931-1045-2

                         Livre électronique                 978-1-4931-1044-5

    Tous droits réservés. La reproduction, la transmission ou la saisie informatique du présent ouvrage, en totalité ou en partie, sous quelque forme ou par quelque procédé que ce soit, électronique, photographique ou mécanique est interdite sans autorisation préalable écrite du détenteur des droits d'auteurs.

    Date de révision: 11/05/2013

    Pour commander des exemplaires supplémentaires de ce livre, communiquez avec:

    Xlibris LLC

    1-888-795-4274

    www.xlibris.com

    Orders@xlibris.com

    141191

    Contents

    PREFACE

    PROLOGUE

    L’ABSENCE

    JEAN ENLEVÉ!

    CERTAINS ACTEURS DU DRAME

    ARRIVÉE DU GROUPE D’URGENCE DE LA SÛRETÉ

    PREMIER CONTACT AVEC LES RAVISSEURS

    LA PRISE DE L’OTAGE

    LA PRISON DE JEAN

    L’ATTENTE

    LA SÛRETÉ SOUPÇONNE LA FAMILLE!

    LES NÉGOCIATIONS REPRENNENT

    LA DÉTENTION

    LES MÉDIAS ACCUSENT ET LES ÉCHECS SE RÉPÈTENT

    LANGELIER ACCUSE LUI AUSSI

    DANIEL FAIT APPEL À MICHEL

    LA FAMILLE S’ENTEND AVEC LES RAVISSEURS

    LE RÉTABLISSEMENT

    LE CALVAIRE CONTINUE

    LA CAPTURE DES RAVISSEURS

    QUI ÉTAIENT LES RAVISSEURS

    LE PROCÈS

    PISTES MANQUÉES PAR LES ENQUÊTEURS

    LA SURVIE

    LA VIE CONTINUE

    LE CALVAIRE PREND FIN

    CONCLUSION

    ÉPILOGUE

    MOT DE RECONNAISSANCE DE L’AUTEUR

    CHRONOLOGIE ET QUELQUES COMMUNIQUÉS RELATIFS À L’AFFAIRE RONDEAU

    PREFACE

    En 1988, mon travail m’a amené à déménager en Estrie. J’ai alors choisi d’installer ma famille à Sherbrooke. Nous avions décidé d’adopter cette ville pour plusieurs raisons, notamment pour offrir un meilleur accès aux écoles à nos enfants et pour y vivre en toute sécurité.

    Notre famille a élu domicile dans l’est de la ville. À l’époque, nous faisions affaire avec la Caisse populaire Ste-Famille. Nous avions appris le drame qui avait frappé plusieurs années auparavant l’un des employés de la Caisse voisine, celle de Sherbrooke-Est, et le souvenir était encore bien présent dans la mémoire des citoyens de ce quartier.

    Mais on oublie les drames des autres à la vitesse que notre rythme de vie nous impose et parce que les médias en dévoilent de nouveaux chaque jour. Voir tous ces drames sur notre écran de télévision nous porte à croire que cela n’arrive qu’aux autres. Jusqu’au jour où le malheur nous frappe sans crier gare.

    Dans la nuit du 23 juin 2002, ma fille disparaissait. Nous allions la rechercher pendant 10 jours. 10 jours à espérer et à prier que personne ne lui fasse de mal. Nous avions en tête l’histoire de la jeune Isabelle Bolduc, disparue dans les mêmes circonstances, et qu’on avait retrouvée assassinée plusieurs jours après son enlèvement. Quand on ne sait pas, l’attente est la pire des souffrances. On en vient à croire que la pire des réponses pourrait nous délivrer de cette épreuve.

    L’histoire de la famille Marion est terrible. Dans toutes les histoires de disparition ou d’enlèvement, les premiers soupçons pèsent souvent sur un membre de la famille. Que ce doute perdure dans le temps est un châtiment aussi grand pour la famille que l’incertitude qui persiste sur la vie de la personne aimée disparue. C’est un deuxième enlèvement, celui de leur peine, de leur angoisse et de leur frustration, face aux institutions judiciaires.

    L’entêtement de certains enquêteurs à soupçonner la victime d’être responsable de son propre enlèvement et à accuser son fils de complicité relève, fort heureusement, d’une époque révolue. On verra dans le livre que le manque d’ouverture d’esprit des policiers ainsi que leur absence d’accompagnement de la famille auront des impacts dramatiques à long terme sur toute la famille, et spécialement sur la victime elle-même.

    Il faut reconnaître que, depuis la création de l’Association des Familles de Personnes Assassinées ou Disparues, les revendications adressées aux corps policiers et aux organismes d’aide aux victimes ont toutes reçues un accueil positif : la situation s’est grandement améliorée. Mentionnons, ente autres, la création par la Sûreté du Québec du module Famille, les services des CAVAC, offerts 24 heures par jour et 7 jours par semaine, une plus grande sympathie des médias à l’égard de ces situations et enfin, la représentation politique des victimes par l’AFPAD.

    La rapidité avec laquelle certains médias sont forcés de livrer en pâture des informations à leur clientèle les oblige plus souvent qu’autrement à le faire de façon très approximative.

    En lisant ce livre, on est choqué de constater à quel point une famille peut être brisée lorsque les institutions ayant pour mission de la supporter l’oublient, l’ignorent ou la jugent. On découvre la véritable histoire d’un drame qui, en plus d’entraîner la victime dans le désespoir, la solitude et la mort, a également emprisonné ses proches dans le silence.

    Heureusement, la situation change pour les victimes d’actes criminels et leurs familles et ce, uniquement parce qu’elles ont pris la parole, tout comme Pierre l’a fait pour parler au nom de son père et de sa famille. Mais à quel prix? Il l’écrit d’ailleurs dans son livre, au prix de la vie intérieure de son père : Le jour de l’enlèvement marqua pour Jean le début de son cheminement vers une solitude qui ne cessa de s’approfondir jusqu’au moment de sa mort. La séquestration, le vol de sa réputation et de son honneur, et l’isolement qui en résulta, l’avaient comme déshumanisé….

    Après 40 ans, j’espère que ce livre contribuera à rétablir la réputation de la victime et de sa famille et que la lumière au bout de ce long tunnel de souffrance sera leur récompense.

    Pierre-Hugues Boisvenu

    Sénateur

    PROLOGUE

    « VICTIMES AU BANC DES ACCUSÉS », c’est l’histoire d’une famille victime d’enlèvement qui s’inspire des événements survenus dans l’Affaire Marion à Sherbrooke, Province de Québec, à l’automne 1977, et de renseignements recueillis auprès des membres de la famille, d’amis, de journalistes et de policiers associés à l’enquête.

    Le texte parfois très dur à l’endroit des policiers et des médias reflète les sentiments de la famille dans le difficile contexte de l’enlèvement. Ces critiques ne sont pas une négation de la haute qualité générale des ressources policières et médiatiques du Québec. Elles représentent plutôt la conviction de la famille que l’enquête et l’opinion publique dans ce cas précis furent mal orientées. Une des conséquences de cette situation fut de précipiter l’otage et sa famille dans une atmosphère de fausses rumeurs, vraiment mesquines, quant à une implication possible dans l’enlèvement. Cette atmosphère ne s’est pas encore dissipée complètement aujourd’hui, plus de 35 ans après l’enlèvement, malgré l’entière résolution du crime. Même après cette résolution due uniquement à la chance et à la ténacité d’un ancien gardien de prison, les responsables de la sécurité publique n’ont jamais reconnu leur erreur publiquement ni fait le nécessaire pour rétablir formellement la réputation des victimes, l’otage et sa famille.

    L’histoire est écrite par Pierre, le fils de Charles Marion. La plupart des noms des intervenants ont été modifiés parce que l’objectif du livre n’est pas de raconter avec précision tous les tenants et aboutissants de l’enlèvement, mais plutôt de partager avec le lecteur l’expérience douloureuse d’une famille ordinaire, catapultée par un événement criminel extraordinaire en première page des médias, en tête de la liste publique des suspects, et rendue incapable de récupérer son honneur complètement.

    L’ABSENCE

    « Allo Daniel! »

    C’était dimanche et le téléphone venait de sonner à la maison de Daniel Rondeau dans la région de Gatineau. Marthe remettait la cuisine en ordre après l’habituel petit déjeuner tardif du dimanche et les deux enfants, Robert et François, s’amusaient sur la pelouse derrière la maison.

    Le couple avait construit cette maison quatre ans auparavant, sur la Côte d’Azur, un des beaux quartiers de la région. Il manquait encore pas mal de choses pour en faire la propriété dont ils rêvaient mais ils avançaient aussi vite que le leur permettaient leurs revenus. Les enfants de sept et quatre ans semblaient jouir intensément du grand espace vert derrière la maison. Ils dépensaient beaucoup d’énergie à inventer de nouveaux jeux et à expérimenter de nouvelles culbutes et pressaient leurs parents de réaliser tous ces projets de balançoires, de glissades, de piscine et de patio.

    Daniel fut un peu surpris de recevoir cet appel de sa mère Louise, un dimanche midi. Elle appelait depuis la maison de campagne de la famille baptisée « Mon Repos ».

    Une vingtaine d’années auparavant, son père Jean avait acheté cette maison de fermier qui paraissait tomber en ruines et qui servait d’abri aux animaux de ferme qui broutaient sur le terrain. Il avait « l’œil » pour les constructions, ayant travaillé dans le domaine du crédit hypothécaire la majeure partie de sa vie professionnelle. Au fil des années, il avait transformé cette propriété en un petit paradis qui faisait l’envie de tous ses amis: rustique mais commode et chaleureuse. Il ne fallait pas plus de trente minutes pour se rendre à « Mon Repos », dans la municipalité de Stoke, depuis la maison familiale située à Sherbrooke.

    La maison dominait un terrain de quatre acres, en pleine campagne, presque au bout du rang, à l’ombre des grands peupliers que Jean avait plantés tout autour de la propriété. Il voulait délimiter clairement son domaine et avait choisi pour le faire d’utiliser des arbres qui aideraient à assécher certaines parties du terrain d’où l’eau ne s’écoulait pas facilement. Il avait aussi fait creuser un lac à truites au fond du terrain et, sur la partie haute, il avait aménagé un enclos autour d’un gros cap de roches où il gardait un couple de chèvres.

    Il avait là de quoi s’occuper tous les weekends et deux ou trois soirées par semaine. Il lui fallait plusieurs heures pour tondre la très grande pelouse à l’aide de son petit tracteur. Il pouvait ensuite frapper des balles de golf que le chien courait récupérer avec enthousiasme. Il jouait souvent à pêcher avec des hameçons coupés qui permettaient la remise à l’eau des poissons sans les blesser, à marcher derrière les oies qui protestaient avec force, à encourager les chèvres à sauter sur le toit de leur abri et d’un rocher à l’autre et à faire courir son chien.

    Au fil des années, ces liens qu’il entretenait avec la nature et les soins qu’il prodiguait aux animaux qui dépendaient de lui avaient pris de plus en plus de place dans son univers personnel.

    « Bonjour, bonjour! Qu’est ce qui passe de bon pour avoir ton appel à cette heure de la journée? ».

    D’habitude, les coups de téléphone en famille s’échangeaient en soirée le dimanche, après qu’il fut trop tard pour profiter du soleil et de la nature!

    La journée était splendide. Les enfants étaient tout excités parce qu’ils allaient partir chez les amis Connolly. Ces derniers venaient d’installer une piscine derrière leur maison et les avaient invités à passer l’après-midi avec eux. C’était des amis proches depuis plusieurs années et les deux familles passaient beaucoup de temps ensemble.

    Louise raconta à Daniel que la veille elle était allée seule, en région, aux noces d’un cousin. Au moment du retour, elle avait décidé de se rendre jusqu’à Stoke pour rejoindre Jean à « Mon Repos ». Elle lui rapportait même un morceau de gâteau de la noce pour lui faire plaisir.

    À son arrivée dans l’entrée de cour, elle avait vu de la lumière dans la maison et le garage. En s’approchant un peu plus, elle entendit aussi que la radio du garage diffusait de la musique. Elle trouva un peu bizarre de voir que le chien était enfermé à l’intérieur du camp alors que la camionnette de Jean n’était pas là. Elle pouvait distinguer, dans la rosée, sur la pelouse, les traces d’une voiture : certainement la camionnette de Jean qui s’était avancée à l’intérieur de la propriété, jusqu’à l’étang tout au fonds de la propriété, à plus de cent mètres de la maison. Les traces ne faisaient que passer près de l’eau et de la maisonnette, au bord de l’eau, qui faisait office de hangar, et revenaient vers la sortie de la propriété. Jean avait donc dû s’arrêter à la maison, faire de la lumière partout, mettre les systèmes d’eau en marche pour ensuite repartir en camion vers l’étang, faire une inspection visuelle rapide et reprendre la route. Le fait qu’il ait laissé son compagnon berger anglais dans le camp suggérait qu’il n’allait pas être parti longtemps. Ce berger anglais, qu’il appelait Jimmy, pesait presque autant que son maître. S’il s’était mis à trouver le temps long et à s’ennuyer, Jimmy aurait pu prendre l’initiative de faire des « rénovations » importantes dans le camp!

    En chemin, Louise n’avait pas rencontré la camionnette et ne l’avait pas vu non plus devant les résidences des amis et connaissances qui habitaient aux alentours.

    Un peu intriguée, elle avait repris sa voiture et était retournée à la route principale pour vérifier si Jean n’était pas allé plus loin, chez d’autres amis. Ne voyant aucun signe de la camionnette et pensant que son mari était peut-être allé jusqu’en ville pour acheter quelque chose qu’il aurait oublié, elle revint à « Mon Repos » bredouille et s’installa pour attendre qu’il revienne. Elle avait laissé toutes les lumières allumées.

    À minuit, elle était toujours sans nouvelles. De plus en plus de mauvaise humeur, elle décida de barrer la porte et de se coucher. Jean serait ainsi forcé de la réveiller lorsqu’il arriverait.

    Il se rappellerait du savon qu’elle allait lui passer!

    Mais quand elle sortit du lit le dimanche matin, toujours aucune nouvelle de Jean.

    Pensant à une escapade, elle décida de travailler dans le jardin et de sarcler les légumes afin de lui montrer, lorsqu’il arriverait, qu’elle était capable de s’occuper de la propriété elle-même et lui servir une leçon à sa façon.

    Pendant qu’elle procédait à ces travaux, le fermier voisin profitait du beau temps pour couper son foin dans les champs, derrière la propriété, et pour le mettre à l’abri dans sa grange, au fond du rang. Un peu plus loin sur la route, quelqu’un nivelait un terrain et préparait les fondations pour une nouvelle maison. La machinerie utilisée pour ces opérations était bruyante de même que la circulation lourde que ces activités généraient sur la petite route, devant « Mon Repos ». Louise avait aussi branché la radio du garage comme Jean le faisait toujours à son arrivée. Il disait que ça lui permettait de suivre les nouvelles et de se sentir moins seul. Louise avait besoin, elle aussi, de se sentir moins seule aujourd’hui! Malgré sa mauvaise humeur du matin, son inquiétude allait croissant et, vers midi, elle décida de téléphoner à Daniel pour l’informer de la situation et pour vérifier s’il n’était pas lui-même au courant des déplacements de son père.

    Après qu’elle eut expliqué la situation, il était préoccupé lui aussi mais, sur le coup, il ne pensa à rien de dramatique. La profession de son père faisait qu’il avait des amis et des connaissances partout.

    « Tu sais, maman, quand il se produit un accident de la circulation, les policiers trouvent et informent les proches des victimes très rapidement. Ce n’est donc sûrement pas ça.  Il a dû recevoir l’appel d’un ami l’invitant à une rencontre ailleurs. La fête improvisée a probablement tourné en discussion de chasse ou de pêche, profonde et longue, et il a dû décider de cuver sa bière sur place plutôt qu’au volant … »

    Quand on n’a pas de raison de soupçonner un drame et que survient un retard important, on se rassure d’abord avec des explications plus ou moins plausibles. Bien sûr, on regrette ensuite de ne pas s’être vraiment inquiété plus tôt…

    Daniel essaya de réconforter sa mère le mieux possible. Son père, la connaissant très bien, avait probablement craint la leçon qu’elle se préparait effectivement à lui servir. Prévoyant cette confrontation, il aurait retardé encore plus son retour à « Mon Repos » de façon à ce que la mauvaise humeur de sa femme se transforme en inquiétude…

    « Pas très généreux de sa part, se dit-il! »

    Il proposa quelques noms d’amis chasseurs et pêcheurs que Louise pourraient appeler pour leur demander s’ils avaient vu ou entendu parler de Jean au cours des dernières heures. Il expliqua à Louise qu’il partait chez les amis Connolly avec la famille et qu’il la rappellerait plus tard pour s’assurer que Jean était bien rentré au bercail. Il lui donna aussi le numéro de téléphone des Connolly en cas de besoin.

    Au cours de l’après-midi, l’inquiétude de Louise n’avait cessé d’augmenter jusqu’au moment où, n’en pouvant plus, elle avait communiqué avec ses amies les plus proches pour partager son anxiété et leur dire que si Jean ne réapparaissait pas bientôt, elle se rendrait chez eux pour discuter des mesures à prendre.

    La force de l’habitude l’amena, avant de quitter, à se rendre à la maisonnette près de l’étang. Jean l’avait construite récemment et y avait fait des aménagements pour qu’elle soit utilisable pour coucher en cas de besoin. Il avait pris l’habitude d’y laisser les sacs contenant la nourriture pour les chèvres, les poissons et les oies. Le rituel voulait que, juste avant de retourner en ville, il se rende à cette remise pour donner à manger « à ses animaux! ».

    Louise se rendit donc à la remise, ouvrit la porte et se pencha à l’intérieur pour plonger son récipient dans les sacs de nourriture placés juste à côté de la porte. Elle sursauta en entendant une voix féminine, vaguement familière, au fond de la pièce:

    « Est-ce que vous pourriez me détacher, madame Rondeau? »

    Après avoir repris son souffle, elle attendit que ses yeux s’adaptent à l’obscurité de l’intérieur de la remise et elle entra avec appréhension. Elle se rendit compte que la personne qui venait de lui parler était Suzanne Dion, une employée de la Caisse populaire de Sherbrooke Est où elle travaillait avec Jean depuis plus d’une vingtaine d’années.

    Suzanne était couchée par terre, face contre le mur, ficelée et apparemment attachée à la base du bol de toilette…

    Louise s’approcha en tremblant et s’agenouilla à côté de Suzanne. Pendant qu’elle essayait de dénouer ses liens, elle la questionnait avec anxiété. Suzanne, en état de choc, n’arrivait pas à décrire clairement ce qui s’était produit.

    Mais Louise comprenait que Jean et Suzanne avaient été attaqués par des bandits!

    Malgré ses efforts, elle n’arrivait toujours pas à détacher les poignets de Suzanne et partit en courant, vers le camp principal pour chercher des ciseaux et pour appeler à l’aide. Après avoir vainement essayé d’atteindre Daniel au téléphone, elle retourna à la remise avec les ciseaux. Les poignets de Suzanne étaient très enflés à cause du manque de circulation. Elle racontait qu’elle était restée attachée à ce banc de toilette depuis environ dix heures, le samedi soir. Louise sanglotait de nervosité, tout comme Suzanne, et essayait toujours de glisser la lame du ciseau, sous la corde, sans blesser la peau des bras. La pénombre compliquait ses efforts mais elle réussit finalement à libérer Suzanne. Elle l’aida à se mettre debout, péniblement. Suzanne fit quelques mouvements des jambes et des bras pour activer la circulation. Elle était dans un état lamentable et les fortes odeurs qui régnaient dans la maisonnette, témoignaient des difficultés qu’elle avait vécues…

    De retour au camp principal, Suzanne monta à la salle de bain pour se laver pendant que Louise se remettait au téléphone. Elle appela la Sûreté Municipale de Sherbrooke pour leur expliquer le problème et obtenir de l’aide.

    La réponse la surprit un peu:

    « Désolé madame, mais il s’agit là d’un cas qui tombe sous la juridiction provinciale. Veuillez communiquer avec la Sûreté du Québec pour leur expliquer la situation. »

    Un peu désemparée par le détachement du policier, elle téléphona au fils d’une amie qui était policier de la Sûreté, Éric Chaput, pour lui demander conseil à savoir qui appeler. Chaput la rassura et lui dit :

    « Calmez-vous madame Rondeau. Je ne suis pas surpris de leur réponse. Donnez-moi quelques minutes pour rejoindre les autorités policières appropriées et quelqu’un va communiquer avec vous dans très peu de temps. Ils vont vous aider et vous dire quoi faire. »

    Presque tout de suite, un policier des bureaux de la Sûreté du Québec à Sherbrooke l’appela et lui demanda d’expliquer brièvement ce qui s’était passé. Il essaya de la rassurer en lui demandant de rester calme. Il spécifia que Suzanne avait sûrement besoin de se réhydrater et de soigner ses poignets. Son collègue et lui allaient se mettre en route pour aller les retrouver immédiatement.

    Ils mirent une trentaine de minutes pour arriver à « Mon Repos ». Ils avaient profité du trajet pour alerter leurs quartiers généraux de la possibilité d’un événement criminel. Ils établirent aussi un canevas général de l’événement avec les quelques détails qu’ils connaissaient et firent une liste de points à discuter avec Suzanne. Il leur fallait obtenir les détails nécessaires pour s’assurer qu’il s’agissait bien d’un événement criminel. Ils pourraient ensuite recommander à leurs autorités les premiers éléments d’une stratégie d’enquête.

    À leur arrivée, ils commencèrent par expliquer doucement comment ils allaient procéder pour documenter leur appel à l’aide et mettre l’enquête en marche. Ils voulaient ainsi essayer de calmer Louise et Suzanne tout en prenant un café. L’un deux s’installa à la table de la cuisine avec Suzanne et l’autre, au salon avec Louise, pour consigner leur description de ce qui s’était passé la veille et le jour même. Ils passèrent ensuite à l’inspection des lieux et demandèrent l’aide d’autres services de la Sûreté pour l’analyse détaillée de la scène, la prise de photos et d’empreintes digitales éventuelles, et autres détails d’intérêt. Ils essayaient de faire tout ça avec discrétion pour éviter d’attirer l’attention des voisins, à ce stade préliminaire de l’affaire.

    Ils proposèrent ensuite à Suzanne de la conduire à l’hôpital de Sherbrooke pour un examen de santé général et pour soulager ses mains toujours très enflées.

    Entretemps, Robert Mongrain, gérant de la Caisse Populaire de Sherbrooke Est, où Jean travaillait comme gérant de crédit, était arrivé à « Mon Repos ». La Sûreté l’avait contacté pour l’informer de ce qui était arrivé la veille à deux de ses employés. L’événement était criminel en apparence et, comme les deux victimes étaient les deux employés les plus anciens de la Caisse, ils étaient tous les deux très bien informés des systèmes de sécurité. Le danger quant à la vulnérabilité de l’institution était très réel.

    Robert et Jean étaient des amis depuis toujours et Robert était venu immédiatement pour en savoir plus et pour réconforter Suzanne et Louise. C’est à ce moment-là que Daniel téléphona pour savoir comment l’escapade de son père s’était terminée.

    La question ne l’avait pas vraiment préoccupé durant l’après-midi et ce n’est qu’au retour à la maison, en fin de journée, qu’il avait composé le numéro de « Mon Repos » pour en avoir le cœur net. Sa mère répondit immédiatement et lui demanda d’un trait s’il pouvait venir à Stoke tout de suite!

    Paralysé par la surprise, il demanda tout bêtement s’il devait voyager seul ou avec toute la famille. Elle répondit :

    « Non, non, viens tout seul ».

    « Mais que s’est-il passé? Ne peux-tu pas me donner plus de détails?».

    La ligne téléphonique qui desservait les résidences autour de « Mon Repos » était partagée entre plusieurs abonnés. Lorsque quelqu’un appelait de l’extérieur, le téléphone sonnait chez tous les abonnés avec une séquence assignée à chacun. Daniel savait, par le ton de sa mère, qu’elle voulait éviter tout risque d’indiscrétion. Un des voisins aurait pu décrocher son téléphone et entendre leur conversation…

    « Je vais te passer quelqu’un qui va t’expliquer la situation en anglais! »

    Une voix masculine se présenta:

    « Good evening. This is Officer Jean Lacroix from the Sûreté du Québec. It seems that your father may have been taken away by people with bad intentions, possibly kidnapped! Can you come over to comfort your mother as soon as possible? »

    Daniel balbutia:

    « Of course! I just need time to pack a few things and I should be there by midnight… ».

    Il ne put obtenir aucune autre explication de la part du policier qui venait de lui donner cette nouvelle dramatique.

    C’est ainsi qu’en un beau dimanche d’août, commença pour les membres de la famille Rondeau un drame qui allait bouleverser leurs vies pour toujours et les mènerait presque aux limites de l’amour et de la haine. Ce véritable calvaire pour la famille fut marqué par l’incertitude, l’anxiété, l’impuissance, l’isolement, éventuellement le ressentiment et le désespoir.

    La police, en qui ils avaient tout naturellement confiance au début, se transformera éventuellement en accusatrice, utilisant tous les moyens pour isoler la famille Rondeau, la désespérer et essayer de la pousser à se déclarer complice du crime.

    Pire, la famille se sentira éventuellement humiliée par l’indifférence apparente du Mouvement des Caisses populaires et du Gouvernement provincial.

    Le comble sera la méchanceté surprenante d’un certain public, mal informé bien sûr, mais jouisseur de l’infortune de son voisin.

    JEAN ENLEVÉ!

    « Essaie de ne pas conduire trop vite » conseilla le policier à Daniel avant de raccrocher.

    Daniel essaya d’expliquer la situation à son épouse Marthe sans trop l’inquiéter. Il prit quelques vêtements de rechange, sauta dans sa voiture et partit pour Sherbrooke.

    Tous les muscles de son visage étaient contractés par l’effort de réflexion qu’il faisait tout en conduisant. Confronté à une situation dramatique, jamais

    Enjoying the preview?
    Page 1 of 1