Algérie 1958: la folie de l'intégration
By Alain Bigard
()
About this ebook
Le 16 mai 1958 en Algérie, on assista à d'étonnantes scènes de fraternisation entre Européens et Musulmans. Jusqu'à quel point peut-on y croire?
Le 3 juillet 1958, après 128 ans de colonisation, les Musulmans algériens reçurent la citoyenneté française pleine et entière. N'est-ce pas le même Président de la République qui la leur retira le 3 juillet 1962 ?
Le 21 mai 1981 fut élu un Président de la République qui promettait aux étrangers le droit de vote aux élections municipales. Etait-ce la première fois qu'on séparait aussi radicalement nationalité et citoyenneté ?
En décembre 1981 fut créé un Haut Conseil à l'Intégration sous l'égide d'un gouvernement de gauche. Il fut enterré en décembre 2012 par un autre gouvernement de gauche. Est-ce le mot "intégration" qui déplaisait?
Le 18 novembre 2015 un Président de la République proposa de déchoir de la nationalité les terroristes binationaux. Après trois mois de débats confus, il dut capituler.
Depuis longtemps la France, toutes tendances politiques confondues, a des difficultés avec sa nationalité. Dans ce livre, nous ne traiterons que les deux premières questions, puisqu'après tout les suivantes en découlent. Comme le dit John Stuart Mill, la tendance fatale de l'humanité à ne plus réfléchir sur un problème lorsqu'il semble résolu est la cause de la moitié de ses erreurs.
Read more from Alain Bigard
Nouveaux regards sur l'histoire contemporaine Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsMunich: et si c'était Hitler qui avait reculé? Rating: 0 out of 5 stars0 ratings
Related to Algérie 1958
Related ebooks
L’émigration des Juifs de Tunisie de 1943 à 1967: Histoire Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsPour une poignée de terre: Du combat des Pieds-Noirs d'Algérie à la construction de la Méditerranée Rating: 0 out of 5 stars0 ratings100 dates de l'histoire de Belgique Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLa Colonisation de l'Orient arabe (1914-1918): Des Accords Sykes-Picot à la Déclaration Balfour Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsMoi Léonie fille d'esclave Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsNapoléon: Version illustrée et augmentée Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsEconomie de l'Algérie coloniale: 1830 - 1954 Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLe Petit Fellagha: Guerre d'Algérie Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLa Tunisie antique et islamique: Patrimoine archéologique tunisien Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsAu Sahara Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsTravail sur l’Algérie Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsFemmes politiques au Maroc d'hier à aujourd'hui: La résistance et le pouvoir au féminin Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLe douloureux passé de la Méditerranée: Histoire Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsFrantz Fanon aux Etats Unis Suivi de commentaires par Josie Fanon, son épouse Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsComment peut-on être Berbère ?: Amnésie, renaissance, soulèvements Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsTerre d’ébène (La traite des Noirs) Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsEspaces, culture materielle et identites en Senegambie Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsL'Afrique romaine: Promenades archéologiques en Algérie et en Tunisie Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsSauvons La Côte D`Ivoire: Mon Message À La Nation Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLa Belgique et le Congo (1885-1980): L'impact de la colonie sur la métropole Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLe grand roman de notre histoire: 2000 ans de guerres et de passions Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLe conflit en Irak et en Syrie, expliqué aux lycéens: 2nde édition Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsL'Histoire de l'Algérie: De la résilience à la quête de la modernité Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsHéros sans gloire: Échec d'une révolution (1963-1973) Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsTunisie: Les Grands Articles d'Universalis Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLa Belgique et ses démons: Mythes fondateurs et destructeurs Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsGenealogie et Histoire des Rois du Dahomey Rating: 5 out of 5 stars5/5De l' ISLAM D'HIER ET D'AUJOURD'HUI Rating: 0 out of 5 stars0 ratings
Politics For You
Réflexions sur la violence Rating: 5 out of 5 stars5/5De la démocratie en Amérique - Édition intégrale Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsKarl Marx: Les Grands Articles d'Universalis Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLa diplomatie d'hier à demain: Essai politique Rating: 5 out of 5 stars5/5L'État voyou: Essai politique Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsMigrations: Idées reçues et propositions Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsMa vie et la psychanalyse Rating: 3 out of 5 stars3/5L'art d'aimer Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsDe la Stratégie en général Rating: 5 out of 5 stars5/5L’idéologie néolibérale : ses fondements, ses dégâts: Essai politique Rating: 0 out of 5 stars0 ratings20 Questions à Poser à un Musulman. Rating: 2 out of 5 stars2/5Le mot d'esprit et ses rapports avec l'inconscient Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsCoronavirus, la dictature sanitaire: Collection UPPERCUT Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsFabriquer un consentement: La gestion politique des médias de masse Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLa peur, arme politique: Gouverner, c'est faire peur… et rassurer Rating: 3 out of 5 stars3/5La religion du Capital Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsDonald Trump: Le fossoyeur de l'Amérique Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsDiscours sur la Dette: Discours d'Addis-Abeba, de Thomas Sankara présenté par Jean Ziegler Rating: 5 out of 5 stars5/5Penser et Agir pour l'Afrique Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsFormulation et Analyse des Politiques Publiques Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsMagellan Rating: 5 out of 5 stars5/5A chacun sa définition de l'amour: Quelle est la tienne? Rating: 5 out of 5 stars5/5De la démocratie en Amérique: Tome I Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsQu'est-ce que l'art ? Rating: 0 out of 5 stars0 ratings
Related categories
Reviews for Algérie 1958
0 ratings0 reviews
Book preview
Algérie 1958 - Alain Bigard
Introduction
« Maman et l’histoire : On lui apprend le spoutnik : « Oh, je n’aimerais pas là- haut ! » »
Albert Camus
« Qu’est-ce qu’un Français ? ». C’est la question que pose Patrick Weil dans un ouvrage de référence sur la nationalité française qui porte ce titre ([1]). La nationalité est une création juridique et le législateur n’a jamais manqué d’imagination pour en modifier sans cesse le périmètre. De sorte qu’elle a connu dans l’histoire de nombreuses vicissitudes, que cet ouvrage retrace très bien. Une des plus étonnantes s’est produite pendant la guerre d’Algérie, quand huit millions d’habitants de ce pays ont accédé à la nationalité pleine et entière, puis l’ont perdue quatre ans plus tard. Comme le dit l’historien américain Todd Shepard :
« Après 1962, il n’a plus été nécessaire d’expliquer ce qui tombait sous le sens : que les « Algériens », d’une certaine façon, n’étaient pas semblables aux « Français ». Pourtant la difficulté d’expliquer ou de formuler une politique publique fondée sur cette différence, désormais admise comme évidente, était précisément ce qui avait rendu si compliquée, pour la France, son acceptation de l’indépendance de l’Algérie et la possibilité même de celle-ci. Pendant près de huit ans, un conflit sanglant avait obligé les Français à regarder en face la manière dont ils fixaient les limites de la nation ([2]). »
Il était donc urgent en 1962 d’instituer une sorte de grand Ministère de l’Oubli. Ce que l’on fit. Non pas de l’oubli des immenses souffrances subies. Elles furent toujours commémorées (des deux côtés) et même prétextes à repentances (d’un seul côté). Mais oubli des problèmes juridiques embarrassants nés de la difficulté à accepter une indépendance longtemps impensable.
C’est à ces problèmes complexes que ce livre est consacré. Nous nous sommes efforcés de les rendre compréhensibles. Les aspects politiques du conflit ne seront évoqués que dans la mesure où ils fournissent les points de repères indispensables à la compréhension de ce sujet central. Il y aura donc forcément des omissions dans ce domaine. On ne traitera pas du tout les aspects militaires, diplomatiques et économiques du conflit. On ne trouvera ici aucune statistique de mortalité. Les chiffres, on le sait, restent l’objet de débats acharnés entre les deux rives de la Méditerranée. Nous ne pensons pas du tout que ces débats soient dépourvus de sens. Mais ces chiffres n’apporteraient rien à notre sujet.
Une brève histoire de la nationalité française
Dans l’Ancien Régime, la grande majorité des hommes passaient leur vie à l’endroit où ils étaient nés. Ils prenaient femme dans leur bourg ou dans un bourg voisin. La question « Qui est français ? » ne se posait guère. On était français dès lors qu’on était né sur un territoire appartenant au roi de France. C’était, si l’on veut, un « droit du sol ». Mais nul ne sentait le besoin de codifier tout cela.
La Révolution a créé le concept de « citoyenneté », qui est distinct de celui de nationalité (il n’a jamais été question de donner le droit de vote aux enfants).
Les révolutionnaires ne s’intéressent pas à la question « Qui est français ? » mais plutôt à la question : « Qui est citoyen français ? » La Constitution de 1791 y répond au Titre II :
« Art.2 : Sont citoyens français : ceux qui sont nés en France d’un père français ; ceux qui , nés en France d’un père étranger, ont fixé leur résidence dans le Royaume ; ceux qui, nés à l’étranger d’un père français , sont venus s’établir en France et ont prêté le serment civique ; Enfin ceux qui, nés dans un pays étranger, et descendant, à quelque degré que ce soit, d’un Français ou d’une Française expatriés pour cause de religion , viennent demeurer en France et prêtent le serment civique.
Article 3. Ceux qui, nés hors du Royaume de parents étrangers, résident en France deviennent citoyens français, après cinq ans de domicile continu dans le Royaume, s’ils y ont, en outre, acquis des immeubles ou épousé une Française, ou formé un établissement d’agriculture ou de commerce, et s’ils ont prêté le serment civique. »
On aura noté que cette définition concerne implicitement les mâles adultes. Elle est néanmoins très « inclusive », comme on dit aujourd’hui : à côté du droit du sol, elle introduit un formidable droit du sang qui permet de ramener les protestants au bercail. À côté du jus soli et du jus sanguinis, elle introduit une pincée de jus domicili...
L’idée de serment civique ne sera guère reprise depuis la Révolution jusqu’à nos jours. Peut-être parce que la France a très vite admis la double nationalité. On n’imagine guère une personne prêtant un serment d’allégeance à deux États différents.
Pendant la période révolutionnaire, cette définition donna lieu à de multiples débats et fut remaniée plusieurs fois. Nous n’entrerons pas dans les détails de ces débats. Rappelons simplement que les émigrés perdirent leurs droits civiques et virent leurs biens confisqués.
Le Code civil est lui aussi âprement débattu. Sans répudier le droit du sol, il met l’accent sur le droit du sang : le père (et pas la mère) transmet à ses enfants son nom et en même temps sa nationalité. Il consacre la dépendance de la femme à l’égard de son mari. En épousant un homme, une femme épouse son nom et en même temps sa nationalité. Ainsi le nom de famille est un bon indice de nationalité...Une femme étrangère qui épouse un Français devient automatiquement française. Même si à certains moments des conditions légères seront ajoutées, cette disposition restera en droit français jusqu’à nos jours.
Mais en vertu du même principe, une Française qui épouse un étranger perd la nationalité française et adopte automatiquement celle de son mari. Comme la fin du 19ème siècle et le début du 20ème verront un afflux d’immigrés, il y aura chaque année des milliers de Françaises qui seront dénaturalisées. C’est seulement avec la loi de 1927 qu’elles seront autorisées à conserver la nationalité française (quitte à être éventuellement binationales si l’autre pays se prête au