Une vie plus forte que le cinéma

Il est des histoires qui vous emmènent là où vous ne l’imaginiez pas. En janvier 2020, peu avant que le monde ne bascule dans l’incertain, je m’intéresse à Dylan Robert, l’acteur récompensé par le césar du meilleur espoir, un an plus tôt, pour son rôle dans Shéhérazade. Le souvenir de son talent ne m’a pas quittée. Que devient-il? Ce prix a-t-il changé sa vie comme on le lui promettait? Ou a-t-il rejoint la liste des espoirs évanouis ?
Par chance, j’apprends qu’il a continué à tourner dans une série d’horreur fantastique pour Netflix, Vampires, puis le film ADN de Maïwenn, avec Fanny Ardant et Louis Garrel. Peu à peu, il s’envole; le cinéma n’est pas passé à côté de sa densité. Il a 20 ans et je veux qu’il me raconte. Pourtant, personne ne me répond autour de lui. Des silences gênés, deux ou trois mots qui signifient : « On vous rappellera, merci. » Cette opacité m’intrigue. Je finis par en parler à un ami souvent bien informé, qui se retient d’éclater de rire : « Mais il ne te répondra jamais, ton Dylan Robert. Il est en prison...
– Pardon ?
– Tu ne savais pas? Il a été arrêté par la crim. »
Quelques jours plus tard, La Provence, suivie par le site du Monde, confirme son arrestation de manière sibylline. Et puis, plus rien. De nouvelles questions restaient sans réponses. Que s’était-il passé? Quelle force mystérieuse avait pu précipiter un acteur plein de promesses vers l’abîme ? Des rendez-vous manqués aux chemins détournés, il ne sortait rien. Dylan Robert avait disparu de nos mémoires. Mais il était forcément quelque part, il fallait que je le retrouve.
18 euros le gramme
En mars 2021, plus d’un an après, un appel : « Vous avez cherché à me joindre ? » L’homme est poli : je l’ai harcelé, oui. Il s’appelle François et son accent du sud réchauffe le dos. À cet instant, c’est tout ce que je sais de lui. J’ignore son nom, son métier, mais j’ai compris qu’il pouvait me mener jusqu’à Dylan Robert. François me reçoit un matin, des yeux pétillants, un grand sourire franc. Il considère Dylan comme un membre de sa famille, à la manière d’un oncle éloigné. D’ailleurs, pendant qu’il me parle, un « De Niro Neveu » s’affiche sur son téléphone. Il décroche, discute un instant, puis se dirige vers la porte. « OK, je t’ouvre. » Cela fait plus d’un an que je suis à ses trousses et Dylan Robert se trouve là, devant moi. Veste zippée noire, cheveux tirés en arrière, quelques pschitts de Dior homme. Durant tout le temps où je le cherchais, il était en détention. Treize mois entre quatre murs, aux Baumettes puis à la maison d’arrêt de Draguignan. Une éternité. Début février, un juge a fini par le placer sous contrôle judiciaire, en attendant un procès en 2022.
Il retire son masque, m’observe. « Quand je suis rentré en prison, on parlait du virus ; je sors, et ce n’est toujours pas fini », dit-il pour engager la conversation. On échange des banalités, la météo (froide mais belle), la série qu’il a vue la veille sur Netflix Il connaît la plupart des acteurs, les aime, mais la façon dont les cités de Marseille sont parfois filmées le met en rogne. D’emblée, il me tutoie : « Il y a tellement de matière ici en vrai. Si tu savais, ça me rend fou. » Il se lève, va chercher une canette de soda. Je dois le scruter un peu trop car il se plaint d’avoir pris du poids. « 72 kg », précise-t-il. Sa taille est fine dans son jean slim mais «
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